septembre 04, 2012

EMMAÜS et son Compagnon : Empowerment vs. Contrôle social de l’Insertion d’un travailleur solidaire dans une structure d’accueil communautaire. Analyse comparative France/Espagne


EMMAÜS est un mouvement en France, par l’Abbé Pierre, qui devient une association loi 1901 en 1953. Depuis, Emmaüs est international et diversifié en institutions « adaptées » aux divers besoins socio-économiques. Dans l'article du même titre, notre analyse se porte particulièrement sur l’institution phare de cette organisation.
La Communauté d’Emmaüs, en tant qu’institution spécifique de l’Economie sociale (Archambault, 1996, 2001, 2002, Demoustier, 2003), s’est structurée autour de la régulation des rapports sociaux et de l’assistance aux populations exclues. Ainsi, au sein des Communautés, des « bénéficiaires-travailleurs », les Compagnons d’Emmaüs, assurent par une activité de récupération, les ressources nécessaires à la structure qui les accueille. Et ce, en contrepartie de garanties de protection sociale (Castel, 2009). L'article propose également une analyse comparative France-Espagne.
Dans l'article, nous abordons la logique d’intervention sociale d’un pays à l’autre, et l’impact idéologique du Mouvement sur ces modes d’intervention. Ces derniers sont mués par les rapports et partenariats avec l’Etat |-providence|.
Cet article traite de la gestion contrôlée des trajectoires des compagnons dont le statut oscille entre celui de bénéficiaire et de travailleur. Cette gestion est particulière, puisqu’il y a au sein des Communautés deux autres acteurs (Crozier, Friedberg, 1977) : les salariés et les bénévoles. Nous verrons comment les stratégies managériales « solidaires » enferment le compagnon dans une forme de dépendance institutionnelle, impropre à l’empowerment. Enfin, notre investigation se base sur l’analyse des documents sources, sur des entretiens, mais surtout sur deux semaines d’observation participante dans la communauté française du Plessis Trévise, en Ile de France et dans celle de Murcie, en Espagne, dans la Communauté autonome de Murcie. [...]
(Cf. page EMMAÜS et son Compagnon : Empowerment vs. Contrôle social de l’Insertion d’un travailleur solidaire dans une structure d’accueil communautaire. Analyse comparative France/Espagne)

février 17, 2012

C'est la cohorte des fourmis qui, dans les galeries souterraines des bas-fonds de la société, permet à l'économie d'avancer.
Moses Isegawa, (auteur ougandais) Chroniques Abyssiniennes

Principes de base et premières règles de relations en Economie sociale

Les relations de base qui se tissent au sein d’une organisation sont le fait de plusieurs éléments que nous définissons comme : d’une part de structurelles et organiques et liées à l’organisation et règle de fonctionnement de l’association ; et d’autre part de conjoncturelles et mécaniques liées aux besoins et à la mission de l’association[1]. Les relations sociales dans une structure de l’économie sociale et solidaire sont donc déjà traversées par cette dualité organique et mécanique.

[Lire la totalité de l'article dans la page "Principes de base et premières règles de relations en Economie sociale"

Les sociétés coopératives : l’agrégation volontaire de forces productives

Présentes dans tous les domaines de l’économie (agriculture, pêche, commerce, éducation, immobilier, services, transport, banque et finance), les coopératives occupent 2,3 millions de personnes.
Martinet présente assez pertinemment les choses par ses mots : « Qu’y a-t-il de commun entre le Crédit agricole, les opticiens Krys et le Groupe Chèque Déjeuner ? Toutes ces entreprises appartiennent à un secteur peu connu du public, le secteur coopératif. »
Nous avons déjà noté que les coopératives étaient inséparables de l’histoire du mouvement ouvrier, nous avons également évoqué l’historique des premières coopératives de salariés en France, au Royaume-Uni, et dans le reste de l’Europe dans les années 1830-1850. Les coopératives se développent dans la période des révolutions et transitions industrielles de l’époque, où l'on voit se développer la formation d’associations ouvrières de production, véritables petites communautés dont le but est de contrer les risques économiques et sociaux engendrés par l’essor industriel. Les sociétés coopératives actuelles sont les héritières de ce mouvement de résistance contre la mainmise du capital sur l’entreprise. Leur fonctionnement, leur mode de gestion et de gouvernance, leurs objectifs s’écartent du modèle des entreprises dites capitalistes. Si l’entreprise capitaliste cherche à ‘enrichir ses actionnaires’, la démarche coopérative tend a contrario à développer le fonctionnement de l’activité. Elle cherchera alors à faire bénéficier à ses membres appelés sociétaires de la meilleure qualité de services et de produits au meilleur prix. Il existe différents types de coopératives[1].Une coopérative est donc une entreprise construite par l’agrégation volontaire des diverses forces productives, et sur la répartition équitable des résultats de la production. Au-delà de la démarche économique, ce qui nous intéresse, c’est le principe de coopération basé sur une participation volontaire, une répartition équitable et une organisation démocratique.

[Lire la totalité de l'article  dans la page "Les sociétés coopératives : l’agrégation volontaire de force productive"]


[1] Déjà en 1946, Emelianoff (Cf. Emelianoff, I.V., Economic, Theory of Co-operation, Washington, 1942, pp. 1-15.) trouvait près de 23 définitions différentes de la coopérative décrite sous 46 traits distincts. Chacun de ces traits distincts renvoie à la fois à une praxis, une idéologie mais aussi à une forme organisationnelle propre. Pour pallier à cette non-visibilité, l’OIT en 1966, recommandait la définition suivante : Une coopérative est une association de personnes qui se sont volontairement groupées pour atteindre un but économique commun par la constitution d’une entreprise dirigée démocratiquement, en fournissant une quote-part équitable du capital nécessaire et en acceptant une juste participation aux risques et fruits de cette entreprise

Introduction to Industrial Relations in the Non-profit Organizations: Comparative Analysis in the European Union


The Industrial Relations Studies emphasize the fact that in the Situation of Work the Employment relationship determines Rules and Procedures governing the Organization, the Representation of Interests, and the way in which different actors and institutions: Management, Trade-Unions and employees, and the State regulate the Condition of Work.
In fact, IR underline how those Major Institutions are regulated, how each interests are taken into consideration, how labour force are rewarded, motivated, trained, disciplined, in order to produce in a better condition.

The Rules and procedures, which are influenced by certain ideology, social and political context, define and regulate the Condition of work: that means to control, to adapt, to adjust, the condition of work to the Market. That implies to determine rates of pay, job description, hours of work, etc.

But, our thesis wants to shift the IR interest to the Non-profit organization. We assume that the Non-profit organization is a brand new frame for singular Industrial Relations. That means different Rules, Procedures and new Actors and Institutions. In studying IR in Non-profit organizations, we have to consider several new perspectives.

The Specificity of Non Profit Organizations
The Non profit organizations’ system is marked by the dominance of the Voluntary work. The Voluntary system implies another Technical and Economical rationality we should study.
In France, several Researches (MATISSE, 1999, TCHERNONOG, 2005) have proved the importance of the Volunteers in the Employment rates. Volunteers are as numerous as the Territorial Civil Servants, which represents a considerable labour force; especially in the so-called providing social services associations.

In fact, the changes in the Market, the evolution in the Social insurance, have led the Non-profit sector to a deeper implication in providing Social Services, and consequently to more professionalism.
So, before to study how this social participation has influenced the Voluntary work and technical rationality, we first interest in how the cooperation between two kinds of actors (volunteers and salaried employees) is regulated, organized, and structured. In fact, that involves a dual organization and a parallel representative framework.
We will study the Convention, the procedures which permit the Non-profit organization to work. For example, how the Convention face to the rise of new social demand and “flexicurity”?
The notion of professionalism implies the questions of training and competences, of job descriptions, of how to reward the employee’s work and the volunteer’s will, of how to discipline the employee and the free willing volunteer.
Added to those two kinds of actors, there is third one, the beneficiaries whom interests and social needs have a dominant effect on the regulation in the Non profit sector.
We need to analyse the representativeness of various participants: the State, the management, the employees, the volunteers and the beneficiaries. But, we also have to evaluate the hierarchy of Participant’s interests. Which interests are dominant in the construction of convention, or in the collective negotiation?

Afterwards, we need to understand how (and whether) those associations are integrated in its branch. Do they participate to the Branch Collective bargaining? Does the Convention have an impact on the Association Manifesto?
According to the National policy, we notice that some Non-profit organizations are closer to the profit sector. So we assume that the Collective bargain and the Branch Convention can deeply change the organization, the structure and the Sense of the Non-profit Organization.
Then, we can say that “conventionning” give legitimacy to Non profit organizations in providing social services, because the working condition in those organizations are regulated. Reciprocally, the Non profit sector “rules” the work condition in the other services - partners. What is the influence of the Providing Service Associations in conditioning the Employment and work condition in Social services Branch?

A Historical and European overview
We all know that the IR are different from a country to another one. The different National policies have a real impact in the system of regulations, and conventions. This hypothesis is based on the fact that the liberalization and the merchandization lead to different forms of job, social norms, “flexicurity”, etc.
This is the first reason why we want to analyse how the different policies consider the role of non profit sector in the Social welfare system: The partnership between those institutions, (State and Non profit organizations), the closeness that can emerge in such a mechanism.
The second reason is that, at a National and E-U. Institution Level, the Non profit sector participates to the Social and political dialog as the Trade-unions do; somehow, there is a sort of competitiveness in the representativeness of individuals’ interests. Sometimes, the Non profit organizations are better considered than the historical partners that the Trade unions are. Some theories draw the attention on the dominance of the Third sector as Political Partner of National and European governances.
At this point, we need to analyse whether (and how) the Non profit sector improves the Regulation implementation and the collective bargaining.
The participation of Non-profit sector to the social dialog involve a new frame of collective negotiation based on the representation of a plurality of actors; and based also on the parallelism between employees /voluntaries; social providers /social beneficiaries, Governmental perspectives / non governmental ones, etc.

Thirdly, a European and historical scope make us understand how the status of the Non profit sector’s workers has been constructed.
We decide to analyse the historical approach of Cooperatives. That means we need to study how the Cooperative and third sector members have defended their own interests through historical political and social changes. A large panorama permits us to understand that the Cooperative members or third sector’s actors have evolved in different ways from Spain to Great Britain (Archambault, Amblard, Demoustier, Chaves, Sajardo, Gueslin, etc.).

The notion of Cooperative and Social Economy implies a hybridising of resources and Economical comportments. A large part of our research consist in understand how this hybridising involve the IR, at least in Social services.

Introducción a las Relaciones laborales en las organizaciones no lucrativas Una investigación comparativa en la Unión europea

Las investigaciones en las relaciones laborales (RRII) tratan de la relación de empleo que se constituye en una situación de trabajo: En esta relación, se creen reglas y procedimientos que gobiernan la Organización, la representación y los intereses de los diferentes actores e instituciones mayores (los empleadores y las empresas, los sindicatos, el Estado). Esas reglas permiten de regular las condiciones de trabajo, los derechos y obligaciones de unos actores.

En efecto, las investigaciones en las RRLL explican cómo las mayores instituciones son reguladas, cómo cada interés es considerado, cómo el esfuerzo productivo es motivado, encuadrado, formado y recompensado, para mejorar la producción y los resultados.
Son ideología y práctica social, política, económica, y también el contexto que influye las reglas y los procedimientos que determina las condiciones de trabajo. Es decir que hay ciertos control, adaptación y ajustamiento de esas condiciones de trabajo al Mercado; Lo que implica la definición del trabajo, los varios contractos de empleo, las horas de trabajo, la tasa de paga, el nivel de renta, etc.

Nuestra tesis se interesa a los principios de las RRLL en las organizaciones no lucrativas (ONL). Pensamos que las ONL son un sistema interesante para estudiar de manera nueva y original las RRLL. Entonces, tenemos que considerar otros actores, otras reglas y otros procedimientos.

La especificidad de las ONL.
La organización y la administración de las ONL son marcadas par la dominación del trabajo voluntario y benévolo. Esta dominación implica, para nosotros, una lógica instrumental y tecnológica diferente, une racionalidad productiva que necesita una investigación profunda.
En Francia, por ejemplo, unas investigaciones (<MATISSE, 1999, TCHERNONOG, 2005>) han demostrado la importancia de los benévolos y voluntarios en la tasa de empleo. En España, investigadores han ilustrado la participación de las ONL en el desarrollo de la Economía social y cooperativa. (<SAJARDO, 1999, CHAVES, 1999, GARCIA-GUTIEREZ, 2001, SANCHIS, 2001, FERNANDEZ, MARI, 2002>).
En Francia, los benévolos son tan numerosos que los funcionarios territoriales: lo que representa una fuerza laboral considerable, especialmente en las ONL que ofrecen Servicios sociales (las entidades no lucrativas de utilidad social o providing social services associations)
En realidad, los cambios en la estructura del Mercado, la evolución del sistema de protección social causan que las ONL participen más en el ofrecimiento de servicios sociales. Por consiguiente, se sigue más profesionalización en el empleo benévolo.

Entonces, antes que estudiemos como la participación social influye el trabajo benévolo y la racionalidad productiva en las ONL, debemos analizar cómo se construye, y se regula la cooperación entre dos diferentes actores: benévolos voluntarios y empleados (profesionales), asalariados. Nuestra tesis trata por una parte de este doble sistema de administración y representación.
Por esto, estudiaremos las convenciones, las reglas, los procedimientos que permiten a las ONL de funcionar. Por ejemplo, cómo unas particulares convenciones en las ONL tratan con el crecimiento de nuevas formas de trabajo (más flexibles y seguras= “flex-seguridad” [la “flexicurity”] de los países de Europeo del Norte), nueva demanda social.
La idea de profesionalismo que abordamos antes, implica varias cuestiones de: formación profesional, y competencia, de ajustamiento funcional del trabajo (cual son los puestos ocupados por el asalariado y los del benévolo); cómo valorar los diferentes trabajos (remunerar el asalariado y “agradecer” el benévolo); cómo encuadrar y disciplinar el empleado y el benévolo (libre).
Además, hay un tercero actor significante: el beneficiario del servicio social aquel cuyos interés y necesitad social tienen una posición dominante en la regulación del trabajo en el sector no lucrativo. Necesitamos que aprehender la representatividad de esos varios participantes: El Estado, la dirección, los empleados, los benévolos y los beneficiarios. Más, hay que estudiar también la jerarquía entre los intereses de los participantes. ¿Cual interés domina la construcción de las reglas y convenciones (CCT) en la negociación colectiva? Después, describiremos cómo las ONL se integran en su corporación o su sector laboral. ¿Participan las ONL a las negociaciones colectivas de su sector laboral? ¿Tiene la Convención profesional un impacto sobre el Manifiesto de la Asociación?

Además, es posible decir que en función de las políticas nacionales, las ONL están más cerca del sector lucrativo. Entonces, afirmamos que las negociación colectiva y el dialogo social pueden cambiar a la organización, la estructura y el sentido de la ONL. Sin embargo, “convencional” da legitimidad a las ONL que proponen un servicio social; porque las condiciones de trabajo son reguladas. Recíprocamente, hacemos el apuesto teórico que las reglas y las RRLL en las ONL pueden influir significativamente las condiciones de trabajo en las entidades lucrativas. ¿Por ejemplo, cual es el impacto convencional de las ONL de utilidad social en las normas laborales en el Sector de la protección social?

Un panorama histórico y europeo.
Todos saben que las RRLL son diferentes de un país a otro. Las diferentes políticas nacionales tienen un real impacto sobre el sistema de regulaciones y convenciones. Este Hipótesis esta basado sobre el hecho de que la liberalización y la comercialización  [“merchandization”] conducen a unas varias normas de trabajado.
Es la primera razón porque queremos analizar como las diferentes políticas consideran el papel de las ONL en el sistema de protección social: La relación entre las instituciones (el Estado y las ONL), la proximidad que es relativa a este mecanismo.

La segunda razón es que a un nivel institucional (europeo o nacional), las organizaciones del sector no lucrativo participan al dialogo social y político, como lo hacen los sindicatos. De cierta manera, hay concurrencia entre los dos actores (no lucrativo y sindical) en la representación de los intereses de los individuos.
Por otra parte, a veces, las ONL son más consideradas que los interlocutores históricos, los sindicatos. Unas teorías llaman la atención sobre la dominación del sector no lucrativa como asociado político en los gobiernos nacionales y europeos.
Es importante analizar la implicación del sector no lucrativo en las Convenciones colectivas de trabajo (CCT) y en el Pacto Social tripartito.
Este implica un nuevo tipo de dialogo social con une pluralidad de actores: empleados asalariados/benévolos, servicio social/beneficiarios, perspectivos gubernamentales/perspectivo no gubernamentales.

Por una tercera razón, nuestro panorama europeo e histórico nos permite comprender como el estatuto del benévolo se construye. Elegimos la perspectiva cooperativa para explicar el estatuto benévolo a través de la noción de “societarios”. Las investigaciones sobre la Economía social y cooperativa demostraron como individuos se organizaban en Cooperativa frente a la evolución económica y social; para defender sus intereses (<ARCHAMBAULT, AMBLARD, DEMOUSTIER, CHAVES, FERNANDEZ, GARCIA-GUTIEREZ, GUESLIN, MARI, SAJARDO, SANCHIS>).
Este noción nos da una idea de cómo se construye el estatuto en las diferentes Historias nacionales (en Grande-Bretaña, en Francia y en España); además, la noción de cooperativa induje la segunda noción de “Hibridación” de comportamientos y recursos económicos.
Una grande parte de nuestra tesis consiste en comprender cómo esta hibridación influye las RRLL, a menos en los Servicios sociales.

Los objetivos del análisis.
Queremos aprehender el comportamiento económico implicado en el servicio social. Describiremos las reglas y el procedimiento en esta gran estructura. Definiremos a la estructura de representación para cada actor, para determinar el valor de cada representatividad. Considerando la importancia de la estructura y la cooperación entre los dos tipos de actores: asalariados y benévolos, trataremos de la diferencia de competencia y profesión. Mesuraremos la Utilidad social de la asociación, evaluando los ‘input’ y ‘output’.
Pues, determinaremos los necesidades sociales, los derechos y deberes de los diferentes actores (empleadores, empleados, voluntarios, benévolos, compañeros, beneficiarios, etc.). Por fin, subrayaremos la influencia de cada grupo sobre la regulación y las negociaciones colectivas.



février 14, 2012

La Construction des relations |sociales et professionnelles| à travers la construction historique du lien social : De la solidarité rurale du 17ème siècle aux mouvements ouvriers et syndicaux du 20ème siècle.

L’économie sociale est une mécanique des relations. Pour mieux l’appréhender, l’analyse suivante remonte aux sources historiques afin de comprendre comment se construisent ces structures face à leurs contextes économiques et sociaux, et comment se construisent les liens sociaux et les relations au sein de cette autre économie  


L’économie sociale telle qu’elle apparaît et se développe au 19ème siècle, procède d’une démarche de solidarité. Avant la Révolution française, il existait en France des structures confraternelles. On parle alors des corporations. Une corporation est une structure intermédiaire entre l’individu et l’Etat[1]. Mais il faut comprendre la nature et le degré de la sociabilité d’Ancien Régime, au moins quand elle est institutionnalisée.
L’économie d’alors est marquée par le poids de l’activité agricole : Jean Marczewski[2] évalue la part de l’agriculture, à la veille de la révolution, à hauteur des ¾ de l’activité économique. Mais la plupart des ruraux ne sont pas seulement des agriculteurs, mais s’inscrivent dans la pluri-activité du domestic system. Naissent alors des « fraternités » professionnelles[3], on exaltait alors les solidarités de terroir. A défaut de véritable communauté, la collectivité villageoise (Henri Mendras[4]) est souvent très soudée. L’étroitesse du groupe en fait une société d’interconnaissance par excellence. Les travaux, particulièrement dans les zones d’habitat groupé, dans les régions montagnardes, s’intègrent dans le cadre des pratiques collectives : biens communaux, troupeaux communs…il existe d’abord des solidarités familiales, des parentèles. Il peut s’agir de simples liens d’entraide[5]. L’entraide entre voisins est traditionnelle lors des grands moments de l’existence (les récoltes, les presses). La « préhistoire des relations professionnelles » est profondément construite autour de réseaux très intégrées aux pratiques agricoles et rurales.
La solidarité naît au sein des assemblées de village où la démocratie directe est de droit à défaut d’être toujours réelle. Cependant il faut noter que ceux qui ne paient pas d’impôts sont de facto exclus de la communauté villageoise. La relation d’entraide, et tous les droits y afférents découlent alors de la nature des travaux agricoles, de la nature de l’environnement mais aussi de la « fiscalité » ; ou plus précisément de l’obligation des individus face à l’autorité. Celui qui n’a pas d’obligations ‘fiscales’ et qui ne subit de fait aucun prélèvement, n’a par conséquent pas besoin d’[entr]aide. La récrimination du contribuable devient alors une règle pour avoir droit à la solidarité de la collectivité. C’est le principe du partage des tâches, mais aussi une certaine idée d’une communauté de droits et d’obligations.
Le besoin primaire de solidarité est donc lié au rapport d’une communauté d’individus face à l’autorité ; selon BLOCH-LAINE, la dynamique sociale est influencée par les contingences.
C’est ensuite que les paysans ont été amené à s’organiser pour se protéger contres les aléas de l’existence et plus précisément contre les calamités agricoles. Dans certaines zones d’élevage, l’assurance naquit très précocement[6]. Des primes sont alors versées en guise d’assurance, et sont réparties en fonction des pertes.
Les relations urbaines s’organisent autour des métiers, alors instruments de contrôle du pouvoir.
Au début, c’est le verlagssystem[7] qui fait le lien entre le monde rural et le monde urbain : l’artisan paysan travaille à domicile pour un marchand citadin. Les relations sont fonctionnelles ascendantes, et basées sur une complémentarité des compétences.
Avant la Révolution industrielle, les manufactures se distinguent de la grande industrie ou factory system. La production est essentiellement fondée sur le métier, sur « les arts mécaniques ». D’ailleurs, le régime monarchique voit dans le développement des corps de métiers un instrument de contrôle de la population[8].
Les solidarités urbaines se décrivent alors en corporations[9] et confréries marchandes et artisanales. Nous verrons comment la révolution industrielle a influencé les dynamiques relationnelles qui existaient alors. En l’occurrence, Bloch-Lainé traite de l’influence du contexte socioéconomique dans les dynamiques sociales. Gueslin explique que ce qui fonde une corporation c’est sa réglementation coutumière ou écrite qui assure la discipline professionnelle en matière de fabrication mais aussi de formation technique. Les relations s’inscrivent autour du savoir professionnel, et de la transmission des compétences.
Mais cela va plus loin, car Martin Saint-Léon, traitant des confréries d’artisans, rappelle le lien étroit entre travail et idéologie religieuse. Ces confréries fondent des institutions charitables. Catherine Vincent remarque que cette solidarité n’est pas tant matérielle que spirituelle : corporations et confréries contribuent surtout notamment par des messes, à assurer le salut. Il existe dans l’économie sociale telle qu’elle se développe un lien étroit entre le travail et le salut.

Le compagnonnage. Une relation d’ascendance maître-apprenti…-Etat.
Le compagnonnage comme institution est la véritable association ouvrière des Temps Modernes. Les origines de ce mouvement remontent à l’édification des cathédrales[10]. Mais c’est vers le 17ème siècle que Gueslin situe les débuts du compagnonnage.
Le compagnonnage se situe dans une relation qui intègre des participants de fonctions diverses. Naissent à notre sens les prémisses d’un système relationnel qui entend se développer par l’adjonction d’unités fonctionnelles. Cette relation dite d’entraide comprend un « rôleur » qui aide à l’embauche du nouveau venu, une « Mère » qui le loge. Ce système d’entraide est alors règlementé (l’exemple est donné de celui des Menuisiers de Macôn (1750))[11] ; et apparaît comme un organisme de défense professionnelle.
Mais la défense professionnelle a ses limites. Loin d’être une institution de sociabilité ouvrière, de lutte des classes ou de promotion d’une séparation entre le capital et le travail, les relations compagnonniques participent par ses valeurs, rituels, formes, et symbolisme, d’abord de l’Ancien Régime. La dominance étatique s’impose alors par l’idéologie qui accompagne la construction identitaire du compagnon[12]. Le compagnon est alors édificateur de l’Ancien régime, puisque son secteur d’activité subsiste en grande partie par les commandes de l’Etat. C’est d’ailleurs en cela que les exemples des cathédrales sont bien venus, puisque à l’époque les artisans sont ouvriers sur des chantiers de l’Eglise, donc de l’état.
Les communautés de métiers deviennent très vite des groupements de maîtres. La relation compagnonnique est un système assez hiérarchisé où seuls les maîtres ont un droit de représentativité. Ils prêtent serment, assistent aux assemblées et exercent les fonctions électives essentielles[13]. Au 18ème les relations sociales se dégradent[14] avec l’Etat monarchique. Ces éléments historiques nous replongent dans les origines des relations de travail au sein des acteurs de l’ESS, et mettent en évidence un caractère cyclique de ces organisations.

Les lumières, des réformes du corporatisme et de la représentativité.
Au 18ème siècle, les physiocrates remettent en cause l’utilité des corporations. Les corporations sont à la solde du régime et sont un obstacle aux droits des individus à la liberté, au droit de travailler et à la propriété. Les corporations empêchent le progrès et l’innovation, les métiers durcissent la constitution de la société et entravent son évolution. (GUESLIN, 1998). Ce lien avec le régime démontre combien les stratégies des structures de l’économie sociale peuvent être traversées par des choix institutionnels relativement politisés.
C’est dans ce contexte que l’édit de Turgot (février 1776) propose la liberté du travail contre les confréries professionnelles. Mais il est difficile de renverser un ordre traditionnel fondé sur une hiérarchie de corps. Ainsi, dès août 1776, on réforme le système en allégeant les droits de maîtrise, on tente d’harmoniser le paysage corporatif en rassemblant des groupements rivaux. Mais la loi n’empêchait pas l’agitation compagnonnique[15]. Intervient alors la loi LE CHAPELIER.
Avec la révolution industrielle[16], l’économie sociale est à l’heure de l’ouverture des marchés. L’idéologie des classes remplace celle des métiers. Les modèles, industriel et capitalistique, viennent assombrir le modèle artisanal, et surtout déprécier certains métiers. L’artisan qui jouissait d’un certain prestige ressent une certaine dépréciation du métier et une atteinte à sa dignité. Il en résulte un bouleversement dans les rationalités.

[Cf. lire la suite dans page "La Construction des relations |sociales et professionnelles| à travers la construction historique du lien social : De la solidarité rurale du 17ème siècle aux Mouvements ouvriers et syndicaux du 20ème siècle."]


[1] La corporation qui est un corps intermédiaire entre l’Etat et l’individu ne correspond pas à l’idéologie libertaire de la Révolution française. Ces corporations seront remises en cause. Mais tout l’intérêt est d’y voir une forme d’instrumentalisation de la société organisée par les autorités.
[2] Cf. GUESLIN se réfère aux études de MARCZEWSKI sur la planification de l’Economie, sur la croissance de l’Etat français aux 18ème et 19ème siècle, dont Résultats provisoires d'une étude sur la croissance de l'économie française :1700-1958, CAEN, Faculté de droit et des sciences économiques de l'université de Caen , 1959
[3] J.P. DUROY, le compagnonnage, aux sources de l’économie sociale, Paris, 1991, FNMF- Racines Mutualistes.
[4] Henri MENDRAS, Sociétés paysannes : éléments pour une théorie de la paysannerie, Paris, A. Colin, 1976, 235p.
[5] Jusqu’au début du 19ème siècle, se perpétuent des familles poly-nucléaires. « La famille souche » selon la terminologie de Le PLAY associe un couple d’anciens et un couple de jeunes institués « héritiers- associés ». Ils sont entourés de toute une maisonnée. Plus élargie encore, est la propriété collective. Le chef (ou major ou ancien) était élu à vie et exerçait son autorité sur les travaux agricoles. Mais la sociabilité dépasse la famille élargie.
[6] GUESLIN prend alors l’exemple des consorces landais.
[7] {Verlagssystem} pourrait être traduit par système de déplacement ou transfert (de compétences).
[8] C’est d’ailleurs ce qui explique en partie l’organisation en métiers de l’économie française. De même que le corporatisme a souvent été l’instrument des régimes autoritaires. Prenons l’exemple du corporatisme italien sous Mussolini.
[9] C’est au début du 11ème siècle que des pré-corporations, c’est-à-dire des associations à vocation professionnelle directe émergent. C’est en 1060 que l’on repère les premières corporations médiévales que l’on appelle d’ailleurs communautés de métiers jusqu’au milieu du 18ème siècle.
Le livre du prévôt des Marchands d’Etienne BOILEAU atteste de l’épanouissement des structures corporatives dès le milieu du 13ème siècle. Elle matérialise longtemps une solidarité de métiers renforcée encore par la présence des confréries. Celles-ci sont les véritables héritières des collegiati et autres ghildes.
[10] Le Serment des maçons de Strasbourg, en 1276 est un repère habituellement admis comme fondateur. Cf. André GUESLIN, l’invention de l’économie sociale, Op. cit.
[11] Présenté par J. BENNET «  s’il y a quelque compagnon qui se trouve dans le besoin de quelque chose ou tombe malade et qu’il soit obligé d’aller à l’hôpital, les compagnons sont tenus d’aller le visiter chacun à son tour et de lui porter suivant son goût et appétit, la valeur de  5sols à ses frais… »
[12] André GUESLIN explique que même si le compagnonnage en tant que tel n’a jamais été reconnu, et les confréries de compagnons interdites, il existe une intégration toujours plus grande dans l’Etat. On en voit bien les enjeux, obtenir des privilèges et des immunités par rapport à d’autres métiers dits libres. Du côté de l’Etat, l’objectif est d’en faire des instruments de relais du pouvoir et de l’autorité. Une structure de moralisation et une source de financement. Les grandes ordonnances de 1539, 1581, 1597 comme la politique colbertiste établissent la tutelle de l’Etat : soumission du chef d’œuvre aux « juges ordinaires du lieu », métiers réglementés par le pouvoir royal (lettre patente), et partage de la police professionnelle entre jurés et agents du roi. Progressivement les communautés de métiers et les jurandes prennent part active aux affaires publiques. A la veille de la RF , ces groupements économiques de droit quasi-public sont un élément important d’un ordre monarchique fondé largement sur l’existence de corps privilégiés.
[13] Les maîtrises tendent à devenir des castes. On parle d’endogamie. C'est-à-dire que les individus s’affilient en fonction d’intérêts économiques ou sociaux, ou simplement élitistes communs.
[14] En 1712, à Sedan, 200 ouvriers tondeurs de laine font grève entraînant le chômage forcé de 12 000 personnes. A Abbeville, à Dieppe, de simples confréries se muent en sociétés de résistance : par contrat passé, devant notaire, les membres s’engagent à se soutenir mutuellement en cas de conflit. Dans les manufactures lyonnaises étudiées par M. GARDEN, des ouvriers chapeliers s’organisent en « bourse du travail », véritables sociétés de secours mutuels assurant à la fois assurant la protection sociale mais de fait aussi la défense promotionnelle
[15] . A Paris, les charpentiers, concentrés sur les chantiers de Sainte-Geneviève, exigeaient dans un contexte de hausse des prix, la fixation d’un minimum salarial.
[16] En France, la révolution industrielle fut tardive et surtout moins brutale qu’en Angleterre. Dans un livre de ROSTOW, celui-ci tend à fixer le décollage (take-off) de l’économie française vers 1830-1860 en relation avec le grand boom des investissements ferroviaires. On a nié cette thèse et avancé le décollage au premier 1/3 du 19ème siècle.

L’économie sociale est une écologie, son histoire est celle des utopies et des hommes

En parcourant l’histoire de l’économie sociale, il apparaît que les structures économiques se sont développées, selon des logiques et des rationalités propres aux contextes sociaux et économiques. Il est donc nécessaire de comprendre le caractère à la fois innovant et flexible qui fonde les besoins et les nécessités socioéconomiques.
« Notre histoire » de l’économie sociale n’est pas foncièrement différente de celle d’autres auteurs[1]. D’ailleurs, il s’agit plus d’une petite histoire, car l’évolution historique de ce champ de l’économie mérite plus qu’un chapitre.
Commençons par le début : l’économie vient du grec {oikos = maison} et {nomos=gérer, administrer}. En remontant aux sources |idéo|logiques de l’économie sociale, il faut pouvoir comprendre comment sont gérés et administrés les biens des individus. Plus encore, notre économie sociale est une écologie. C'est-à-dire que, bien plus que d’étudier la gestion des biens, analyse récurrente, il s’agit de comprendre les relations des être vivants (ou unités économiques) les uns avec les autres dans leur monde environnant[2]. Une économie sociale qui est une écologie a tout son sens, car cette approche permet aussi de voir les préoccupations environnementales liées aux évolutions sociales et politiques (et non plus climatiques, quoi que le développement durable veuille définitivement réconcilier économie et écologie), mais aussi à la dégradation du cadre de vie local…qu’elles soient dues à de multiples raisons, dont l’activité humaine. D’ores et déjà, nous posons ici les bases d’une économie qui voudrait, idéalement, rompre avec un modèle existant ; une mutation, une adaptation d’un ensemble d’êtres [vivants ou] économiques face à la dégradation et aux changements d’un environnement.
Deux concepts introduisent notre « petite histoire » : utopie et modernité. Nous posons la question de l’innovation de l’économie sociale à travers l’Histoire. Il ne s’agit pas simplement de décrire la place qu’elle a dans la pensée économique. Au-delà de ça, nous peignons à grands traits, une économie par le prisme du changement et du mouvement (social). L’économie que nous définissons doit être [com]prise comme un intérêt citoyen et moral, mais aussi comme une réponse à des problématiques économiques, sociales, politiques contemporaines. La prise en charge de ces problématiques se construit comme une mécanique des relations sociales[3]. En l’occurrence, l’économie telle que nous l’a concevons conduit forcément à une structuration des relations et à des schémas de sociabilité.

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Quand l'Abbé Pierre rencontre la misère pour la première fois....la première fois d'une longue vie

Non, jusqu’à ce jour, le petit Henri n’a jamais eu de contact réel avec la misère. Le dimanche, dans un coin de l’Eglise, un mendiant lui sourit, le remercie lorsque, sortant de la messe, il lui fait la charité de quelques sous ; le sourire et le « merci » du vieillard font partie, à titre d’émouvants accessoires, de son existence d’enfants riches. Mais a-t-il jamais joué, parlé avec un gosse de pauvre ? Est-il jamais entré dans un logis de pauvre ? A-t-il jamais pénétré au cœur d’un quartier populaire de sa ville ? Il sait vaguement que le monde des malheureux existe, mais pour lui la notion de malheur se confond inconsciemment avec celle du mal : idée confuse, rarement exprimée, plutôt respirée dans tout milieu bourgeois où la bienfaisance existe sans doute, mais reste enclose dans des principes de suffisance, qui peuvent se résumer ainsi : la fortune est la sanction naturelle (et quasi providentielle) des profondes vertus d’une famille et d’une classe, la fortune confère la dignité, attire la respectabilité. Par sa fortune, se juge la valeur d’un homme. Un pauvre est un homme atteint de quelque tare, sinon de quelque vice. Les miséreux, ceux dont l’enfant a pu saisir au passage le regard traqué, constituent une humanité différente de celle dont il fait partie, et proche de l’animalité, dangereuse, menaçante : des loqueteux, on peut s’attendre à tout : au vol, au rapt, au meurtre, des loups sous des apparences d’hommes.
Et soudain, le voici au milieu de ces miséreux ; ils sont une quarantaine, dans cette salle, hirsutes, patibulaires, avec leurs vêtements en loques, et malodorants. Dans quel horrible piège son papa s’est-il fourvoyé ?

Boris Simon, les chiffonniers d’Emmaüs, Paris, Editions Michalon, 2004, p55