septembre 07, 2011

La Communauté, de ce qui est commun ?

A bien définir « l’objet communautaire », il faut nécessairement revenir sur certaines spécificités, à la fois en termes de structures de l’économie sociale et solidaire, et en tant que sphères relationnelles dont on ne sait plus vraiment ce qu’il en ressort.
Comment dire « nous » autrement que comme « on » (= tous et personne) et autrement que comme « je » (=une seule personne, ce qui est encore personne…). Comment donc être en commun sans faire ce que toute la tradition (mais après tout récente, c'est-à-dire tributaire de l’Occident qui s’achève en se répandant) appelle une Communauté (un corps d’identité, une identité de propriété, une intimité de nature) ?
Il est évident que nous sommes ensemble (…). Il est évident que nous existons indissociables de notre société, si l’on entend par là non pas nos organisations ni nos institutions, mais notre sociation¸ qui est bien plus et surtout bien autre chose qu’une association (un contrat, une convention, un groupement, un collectif ou une collection) mais une condition coexistante qui nous est coessentielle (…). Et pourtant, il n’en reste pas moins (…) une évidence de notre être ensemble, une évidence nôtre et qui précède toute autre évidence autant que l’existence sociale de Descartes précède logiquement et chronologiquement la possibilité de l’énonciation d’ego sum – lequel, en s’énonçant s’énonce d’ailleurs au moins à un autre, et si bien, peut-on dire, que tout ego sum est un ego cum.  J.L. Nancy, « Conloquium » p.6 in Roberto Esposito, Communitas. Origine et destin de la Communauté,  Les Essais du collège international de philosophie, Paris, PUF, avril 2000, 166p.
Ainsi, un certain dépassement des typologies d’économie ou de sociologie est nécessaire pour saisir la pensée de la Communauté. Il faut passer de la faillite de tous les communismes à la misère des nouveaux individualismes, pour comprendre ce qu’il y a en commun, ce qui est mis en commun, si ce qui fonctionne ensemble ne fonctionnerait pas mieux individuellement.
S’il est difficile de traduire ce qu’est une communauté, notre étude nous a conduit d’associations en entreprises associatives, de communautés en maisons du travailleurs, de fondations sociales à des modèles de famille recomposée d’individus exclues, précaires, abîmés et qui ont trouvé dans le lien communautaire le dispositif social et économique favorable à leur survie. L’économie sociale a inventé la coopérative et la communauté, et l’histoire sociale explique combien la communauté est la parentèle des relations professionnelles. Mais Esposito rappelle que dans toutes les langues néo-latines, le commun  s’oppose à ce qui est propre à.
En somme, comment construire une activité commune en respectant ce qui est propre à chacun des communautaires. C’est là, une prérogative essentielle. Une fois que l’on a accepté le munus, on est placé dans l’obligation de rendre en retour, soit en termes de biens, soit en termes de services. (Esposito, 2000, p17)
Notre analyse des relations professionnelles s’inscrit donc dans la circulation des échanges et des dons dans ce modèle collectif où se juxtaposent public et privé, sacrifice et engagement, compensation et bénéfice. Dans sa lecture philosophique de la Communitas, Esposito décrit au fil des chapitres, tour à tour la peur, la faute, la loi, l’extase, l’expérience. Dans notre lecture, nous lirons le fait communautaire à travers le risque, la coopération, la précarité, les conventions, les avantages (comparatifs) et le modèle.
Comprenons par là que ces bastions de l’économie sociale et solidaire sont le lieu idéal des transgressions et des conventions, de la propriété et du bien communautaire et associatif, des engagements et des bénéfices, de la prise de risques et des compensations, c’est en cela que sans prendre un quelconque risque académique, nous avons choisi le différentiel comme curseur nous permettant d’assimiler ce qui fonde les relations professionnelles communautaires.
Les communautés que nous avons visitées sont des lieux d’accueil, de vie, de travail, de solidarité, semblables à des familles où sont renouvelés les liens sociaux qui participent du maintien d’un individu dans la dignité, des sociétés de secours [et de solidarité] mutuelle, où sont pris en charge les formes d’exclusions et les risques qui touchent les population les plus précaires, des structures autarciques (comme des familistères, phalanstères, et autres utopies), des coopératives de production et de consommation (tels que l’imaginait Owen, Saint-Simon, ou la communauté de Rochdale) où les sociétaires sont des salariés, des bénévoles et des anciens pauvres devenus bénéficiaires et fournisseurs de l’aide, des entreprises associatives qui fonctionnent grâce à l’activité de récupération environnementale, la récupération, la réparation, la rénovation et la vente d’objet de seconde main (bric-à-brac, mobilier, électroménager, et autres biens de consommation), sur le traitement des déchets (notamment les DEEE, déchets d’équipements électriques et électroniques) ; Des brocantes où circulent et sont échangés des objets de seconde main contre la seconde vie de sujets.
Mais si nous traitons des relations professionnelles, peut-on aussi dire de ces communautés, qu’elles sont des formes syndicales et représentatives améliorées ?
Comprenons nous bien ! Qui peut vraiment dire ce qui est en commun et ce qui ne l’est pas ? C’est la grande question qui se pose dans l’analyse des relations professionnelles dans une structure communautaire, ce différentiel qui une fois optimisé dans les modèles que nous allons étudier apporte son lot de réponses peu ou prou pertinentes.

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