septembre 07, 2011

Du différentiel entre Economie sociale et Economie solidaire

La littérature a tendance à réunir sociale et solidaire sous le même vocable. Or, quelques différences sont significatives. Nous avons déjà abordé les grandes conceptions, il nous suffit maintenant d’en détacher les convictions propres. Dans son ouvrage sur l’Economie solidaire, Bruno Guigue estime qu’en France, la distinction entre les structures de l’Economie sociale et celles de l’Economie solidaire porte sur leur statut juridique. En effet, les acteurs de l’économie solidaire ont le statut d’associations de type 1901. (Cf. Bruno GUIGUE, L’Economie solidaire. Alternative ou Palliatif ?, L’Harmattan, INNOVAL, « coll. Economie et Innovation », Paris, Dunkerque, Montréal, 2001, 79p.)
Une seconde distinction est rapportée aux valeurs : L’auteur estime alors que l’économie solidaire se concentre sur ce qu’elle fait, alors que l’économie sociale se focalise sur la façon dont elle le fait.
Il faut comprendre par social, la redécouverte d’un autre entreprenariat, d’une autre forme d’organisation qui combine des modes de création et de gestion privés mais collectifs. L’économie sociale privilégie aussi des finalités autres que la recherche du profit, et met en valeur le capital social.
Mis à part les formes organisationnelles connues, il faut aussi admettre que ces organisations résultent de principes et de finalités. Mais, d’un pays à l’autre, la valeur sociale est différente. C’est une vue panoramique européenne qui répondrait à cette interrogation. Plus qu’une différence nationale, il existe une différence entre les générations d’économie sociale. C’est d’ailleurs dans ce cadre que l’ancienne économie sociale est souvent opposée à une nouvelle ou encore à l’économie solidaire. Cette dernière serait la version plus innovante d’un construit social historique qui se périclite ; l’économie solidaire entrant dans les nouvelles formes d’organisations et dans des rapports économiques modernes alternatifs. Nous revenons à notre interrogation sur l’utopie du mouvement social et solidaire.
L’Economie solidaire tourne autour du concept de solidarité, mettant à mal l’individualisme et l’utilitarisme dominant l’économie capitaliste. Luis Ignacio Gaiger propose cinq facteurs de l’émergence de l’économie solidaire : la présence dans les milieux populaires d’un sentiment communautaire et d’une histoire commune qui se matérialise par un fort degré associatif et communautaire ; la présence de dirigeants et leaders populaires issus de ces groupes ; la désappropriation des ressources suite à une crise ou une spoliation ; le soutien associatif et la médiation d’organismes représentatif. (Cf. L. I. GAIGER, « Entreprise alternative » in J. L. LAVILLE, A.D. CATTANI, Dictionnaire de l’autre économie, pp.345-357.) L’auteur insiste sur le fait que si ces communautés disposent de moyens suffisants et d’une politique éducative efficace, ils peuvent accentuer leur développement et la rupture avec les modes primaires de reproduction. Enfin, et nous revenons toujours à cela, une scène politique et idéologique.
Si la coopérative est un regroupement d’individus dont on peut apprécier une certaine communauté d’actions et de vie, l’économie solidaire est plus similaire à certains types d’associations tournées vers les plus démunis. La solidarité qui est le fer de lance idéologique mais aussi organisationnelle introduit l’obligation morale d’engager d’abord des chômeurs, des exclus, des démunies, et de favoriser leur réinsertion. D’ailleurs, nous admettons que la différence majeure est que le sociétariat solidaire est plus différentiel ou plus nivelé que l’économie sociale. Ce différentiel est basé sur une vue démocratique et citoyenne plus précise. L’économie sociale est perçue par la vue statutaire alors que l’économie solidaire est perçue par la vue politique et citoyenne.
Bernard Eme et Jean Louis Laville insistent sur « la prédominance de la réciprocité et de l’engagement mutuel entre les êtres ; ce lien social constitue l’impulsion réciprocitaire de l’émergence des pratiques économiques » (Cf. Bernard EME, Jean Louis LAVILLE « Economie solidaire (2) » in LAVILLE J-L, CATTANI A.D., Dictionnaire de l’autre économie, pp. 301-311). Cette impulsion prime donc sur l’accord contractuel fondé sur l’intérêt sociétaire.
L’économie solidaire est une économie plurielle ; plurielle de ressources réciprocitaires (construites sur le lien réciproque, le bénévolat, le volontariat, le lien social cher à Roger Sue), des ressources publiques et marchandes. Mais c’est aussi une économie politique, dans la mesure où la pratique économique est un fer de lance d’une démarche politisée.
L’ « être ensemble » est une rhétorique que l’on retrouve évidemment dans la démarche économique. Une « être ensemble » qui s’éloigne d’une gestuelle philanthropique pour reprendre l’expression d’Eme et Laville. Comme nous tentons de le souligner, il y a une dimension relationnelle différentielle qui s’attaque à la désaffiliation, au détachement social, à l’exclusion, aux inégalités grandissantes intrinsèques et qui se naturalisent.
Mais l’économie solidaire ne renie pas le partenariat public tant que celui-ci s’attaque à la réduction des injustices matérielles et immatérielles. Mais l’économie solidaire n’est pas très éloignée de l’économie sociale. D’autant plus que mis à part l’importance démocratique et le caractère hautement politisé et citoyen, les formes entrepreneuriales ne sont guère différentes.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire