Depuis
que je suis installé à Glasgow, j’assiste avec grand intérêt à une situation
paradoxale dont l’histoire a le secret. L’Ecosse vit en l’intervalle de deux
mois deux évènements d’importance majeure et qui ouvrent deux perspectives
contradictoires. En Juillet, la ville de Glasgow a accueilli les 20ème
jeux du Commonwealth, faisant de Glasgow, la capitale du Commonwealth…deux mois
plus tard en Septembre, les citoyens écossais vont décider s’il reste ou pas
dans ce même Commonwealth ou plus exactement si l’Ecosse reste au sein du
Royaume-Uni. Ironique, isn’t it !
Grand
artisan de ce référendum, le first
ministre, Alex Salmond premier ministre écossais, à ne pas confondre avec
le prime ministre David Cameron,
premier ministre du Royaume-Uni, est un nationaliste convaincu et dont les
convictions depuis ses débuts en politique en 1973 étaient de conduire le
citoyen à ce moment (peut-être) historique du 18 septembre.
Avant l’indépendance, il y a eu la dévolution
Le référendum qui se tiendra le 18 septembre prochain est une suite logique du Scotland Act 1998 et de la dévolution, ainsi que l’élection d’un gouvernement indépendantiste à la tête de l’Ecosse. En mai 1997, le gouvernement travailliste de Tony Blair a été élu en garantissant plus d’autonomie aux nations du Royaume-Uni, et en décidant la création d’institution dévolue en Écosse. En 1997, un référendum obtient une majorité de votes « pour ». La dévolution du pouvoir au Royaume-Uni est le principe de statuts transférant certains pouvoirs du Parlement du Royaume-Uni au Parlement écossais (Scottish Parliament), à l'Assemblée nationale de Galles (National Assembly for Wales) et à l'Assemblée nord-irlandaise (Northern Ireland Assembly). Cette décentralisation s’accompagne de la création de gouvernement nationaux respectifs : le gouvernement écossais (Scottish Government), le gouvernement gallois (Welsh Government) et à l'exécutif nord-irlandais (Northern Ireland Executive).
C’est le Scotland Act 1998 qui permet la création du Parlement écossais (Scottish Parliament), et celui-ci possède les pouvoirs de faire la législation primaire pour certains domaines dévolus de la politique, en plus de certains pouvoirs limités d'imposition. Les compétences du parlement et l’exécutif écossais sont les suivants : la santé et les services sociaux ; l’éducation et la formation ; l’administration locale et le logement ; la justice et la police ; l’agriculture, les forêts et la pêche ; l’environnement ; le tourisme, le sport et la culture ; enfin, le développement économique et transports.
Avant l’indépendance, il y a eu la dévolution
Le référendum qui se tiendra le 18 septembre prochain est une suite logique du Scotland Act 1998 et de la dévolution, ainsi que l’élection d’un gouvernement indépendantiste à la tête de l’Ecosse. En mai 1997, le gouvernement travailliste de Tony Blair a été élu en garantissant plus d’autonomie aux nations du Royaume-Uni, et en décidant la création d’institution dévolue en Écosse. En 1997, un référendum obtient une majorité de votes « pour ». La dévolution du pouvoir au Royaume-Uni est le principe de statuts transférant certains pouvoirs du Parlement du Royaume-Uni au Parlement écossais (Scottish Parliament), à l'Assemblée nationale de Galles (National Assembly for Wales) et à l'Assemblée nord-irlandaise (Northern Ireland Assembly). Cette décentralisation s’accompagne de la création de gouvernement nationaux respectifs : le gouvernement écossais (Scottish Government), le gouvernement gallois (Welsh Government) et à l'exécutif nord-irlandais (Northern Ireland Executive).
C’est le Scotland Act 1998 qui permet la création du Parlement écossais (Scottish Parliament), et celui-ci possède les pouvoirs de faire la législation primaire pour certains domaines dévolus de la politique, en plus de certains pouvoirs limités d'imposition. Les compétences du parlement et l’exécutif écossais sont les suivants : la santé et les services sociaux ; l’éducation et la formation ; l’administration locale et le logement ; la justice et la police ; l’agriculture, les forêts et la pêche ; l’environnement ; le tourisme, le sport et la culture ; enfin, le développement économique et transports.
La lecture des 670 pages du Cahier blanc intitulé Scotland’s future[1] est censé être comme le sous-titre l’indique un guide pour une écosse indépendante. Cet épais rapport préfacé par le first ministre Alex Salmond remplit parfaitement son rôle puisqu’il énumère chapitre par chapitre les raisons et les répercussions « positives » de l’indépendance ; l’état des finances publiques d’une Ecosse indépendante ; l’économie, la fiscalité et le niveau de compétitivité des entreprises écossaises ; les politiques sociales, de santé, de bien-être ; l’éducation, la recherche universitaire, l’emploi, la défense et les relations internationales dans le monde, avec le reste du Royaume-Uni, dans l’Union européenne ; la sécurité intérieure et la justice ; l’environnement, la préservation des ressources, l’Ecosse rurale et son agriculture ; la culture ; et pour finir la stratégie pour construire une démocratie moderne. Rien n’est laissé au hasard
[1]
www.scotreferendum.com
La
préface de Alex Salmond rappelle combien l’Ecosse est une grande et très
ancienne nation, connue non seulement pour ces paysages « à couper le
souffle », mais aussi pour sa créativité et son génie, ses valeurs de
compassion, d’égalité, son engagement pour une meilleure éducation. Mais, même
si l’Ecosse est un pays de poètes et de cornemuses, ce sont surtout les
chiffres et les nombreux diagrammes qui construisent l’argumentaire censé
convaincre les citoyens écossais.
Ces
cinq dernières années, les finances publiques de l’Ecosse ont été plus solides
que l’ensemble du Royaume-Uni, avec un total de 12,6 Mds £, presque 2 400
£ par individu.
L’Ecosse
a donc, selon le rapport, largement les moyens de son indépendance, d’autant
plus qu’en ajoutant les revenus fiscaux du pétrole et du gaz de Mer du Nord,
les revenus fiscaux s’élèvent à un niveau 20% supérieur à la moyenne
britannique. Or, le rapport rappelle que malgré les prochains changements
intégrés dans le Scotland Act 2012 qui donne au Parlement écossais le contrôle
sur deux nouvelles sources fiscales qui rapporteraient 400 million £,
Westminster garderait tout autorité et responsabilité sur 85% des sources
fiscales du pays. Un manque à gagner qui, évidemment, empêcherait tout
investissement dans les politiques sociales, dans l’éducation, etc. Par
exemple, selon les projections 2016/ 2017 pour une Ecosse indépendante[1],
le nouvel état écossais investirait alors 18,8 Mds £ pour la réserve de la
Sécurité sociale. Mais ces projections sont basées sur deux scénarios : le
premier prévoit que la production de Mer du Nord reste inchangée, le deuxième
prévoit une augmentation de la production…mais qu’en serait-il d’un troisième
scénario. Celui-ci, absent dans le texte, appartient à l’argumentaire du camp
adverse, qui rappelle que les infrastructures pétrolières et gazières
nécessitent un coût qu’une Ecosse indépendante ne saurait amortir ; de
plus, face à la fluctuation des courts et le niveau de production en baisse
depuis 15ans, la source de financement risquerait d’être revue à la baisse, et
ainsi tous les futurs investissements prévus par le SNP.
Mais
en matière de chiffres, le chapitre 3[2]
est certainement le plus repris par les médias et, notamment par les brochures
de la Campagne Yes Scotland. Il rappelle combien l’Ecosse est un pays riche,
qu’indépendante l’Ecosse pourrait être le 20ème pays le plus riche
au monde, que l’Ecosse est 14ème au rang des pays selon l’OCDE,
contrairement au Royaume-Uni qui est 18ème.
Yes, Scotland
has got what it takes! titre le diagramme synthétisant les contours de l’économie écossaise:
·
Le
PIB par tête place l’Ecosse 8ème des pays de l’OCDE.
·
La
production pétrolière écossaise représente 98,8 % de la production écossaise,
et la brochure Yes Scotland précise que l’industrie du pétrole et du gaz
rapporte 1 500 Mds £ ;
·
L’industrie
du bâtiment rapporte 17Mds £ ;
·
L’industrie
du tourisme s’élève à 9Mds, auxquels la brochure Yes Scotland ajoute 1Mds ;
·
L’industrie
des nouvelles technologies et de la création rapporte 2,8 Mds contre 5Mds pour
Yes Scotland ;
·
L’industrie
alimentaire pèse 13Mds £ et l’agriculture écossaise représente 11,6% de la
production totale du Royaume-Uni.
·
Grâce
aux marées, l’Ecosse pourrait envisager une production de 10% d’énergie, et 25%
grâce aux vents,… la fameuse météo écossaise !
·
Enfin,
the last but not least, l’excellent whisky écossais rapporte près de
4,3Mds £ à l’export.
La
structure de l’économie écossaise depuis la dévolution et telle que décrite
page 87 est répartie selon la stratégie suivante : 1% pour l’agriculture,
la pêche et l’industrie forestière ; 7% pour d’autres types de
production ; l’industrie et manufacture représente 12% ; la finance
et les affaires 25% ; la grande distribution, l’industrie alimentaire et
le logement 13% ; les transports, l’information et la communication
8% ; l’administration et le gouvernement 26% ; la construction 8%.
Au-delà
de l’économie, le chapitre sur la politique sociale, le bien-être et la santé
est l’occasion pour les partisans de l’indépendance de critiquer Westminster.
Ce chapitre est certainement le plus à charge contre la politique libérale
britannique.
Le
rapport explique qu’en 2011/12, 710 000 personnes (soit 14% de la population)
vivaient dans une pauvreté relative en Ecosse, que ce nombre représentait 420 000
actifs ou personnes en âge de travailler, 140 000 séniors et retraités, et
surtout 150 000 enfants.
La
pauvreté des enfants est sans aucun doute l’argument massue du gouvernement et
du Comité Yes Scotland. La prédiction d’une augmentation de 22,7% d’ici 2020,
soit 200 000 enfants pauvres apparait partout sur les affiches dans les
stations de bus, sur les cabines téléphoniques, en 4 par 3 sur les panneaux le
long des routes. Ces estimations de The
Institute of Fiscal Studies, l’Institut d’Etudes fiscales, seraient le seul
fait de la politique de réformes du système de Welfare organisé depuis Westminster.
Les réformes de Westminster pourraient même prélever 4,5Mds £ supplémentaire
aux foyers écossais. Ce sont en substance les arguments qui rendent la question
de l’indépendance urgente.
Selon
le rapport, le gouvernement écossais a réussi à pallier aux difficultés des
plus démunis, notamment grâce à des accords avec les Councils d’Ecosse et autres autorités locales, afin de protéger
560 000 personnes des risques liées aux coupes budgétaires. Le
gouvernement s’est d’ailleurs engagé à verser 20 millions de £ entre 2013/2014
et 2014/2015 pour aider les personnes les plus affectées par la Bedroom tax,
une pénalité pour les logements sociaux sous-occupés. L’usager de logements
sociaux se voit réduire son allocation logement s’il est considéré comme ayant
plus d’espace qu’il ne lui en faut. Abolir l’impopulaire et incomprise Bedroom
Tax est une promesse du Gouvernement SNP.
Pour
accompagner les usagers face aux réformes de politique de Westminster, le
gouvernement a investi près de 7,9 millions de £ dans des services
d’informations et d’accompagnement en 2012/2013 et près de 33millions sont réinjectés
dans le Scottish Welfare Fund fond de
protection sociale écossais.
Au-delà
de son engagement à abolir les taxes impopulaires, le gouvernement s’engage
évidemment auprès des publics généralement visées par les politiques
d’assistance[1] :
les chômeurs, les personnes âgées, les familles avec enfants à charge, les
personnes handicapées, etc.
La
pauvreté fait l’objet de campagne importante, notamment parce qu’elle engendre
des situations de santé précaire, avec une espérance de vie 11 ans inférieure
dans les régions les plus pauvres d’Ecosse, la mortalité suite à un cancer 76%
plus élevé dans ces mêmes régions (Scotland’s Future, p.171).
En
ce qui concerne la petite enfance, childcare,
le gouvernement s’est engagé après l’indépendance, à débloquer près de 600
heures d’assistance maternelle pour près de la moitié des enfants de moins de
deux ans, 1 140h pour ceux de 3/4ans après la première élection parlementaire postindépendance, et 1 140h pour
ceux entre 1an et l’âge de rentrer à l’école, après la deuxième. Les principaux
bénéficiaires seraient les foyers bénéficiant d’allocation familiale ou
d’allocation chômage.
Le
reste des politiques d’éducation n’est pas plus originale que dans d’autres
circonstances, le chapitre 5 rappelle son attachement à la renommée des
universitaires écossaises, son soutien aux 167 365 étudiants et
40 000 étudiants étrangers et à la gratuité de l’université pour les
étudiants (ce qui leur épargne une moyenne
de 9 000£ de frais de scolarité, comme en Angleterre).
Néanmoins,
si la recherche universitaire écossaise a bénéficié de 905 millions de £ de
sources diverses (le(s) gouvernement(s), l’Union européenne, les fondations,
les mécènes privés et les entreprises), le rapport explique que c’est dans
l’intérêt de l’Ecosse et de l’Angleterre de poursuivre certaines
collaborations,…et ainsi assurer aux universités d’une Ecosse indépendante, les
ressources britanniques.
La
lecture de ce rapport est un bon guide pour une Ecosse indépendante, tant que
l’on lit entre les lignes. Il est évident que certaines réformes de
Westminster, sont mal vues en Ecosse, et qu’elles favorisent de fait le
positionnement et l’argumentaire des indépendantistes. Il est clair que
l’Ecosse bénéficie de nombreuses richesses et sources de revenus, mais une
chose est moins claire, et c’est la volonté du Royaume-Uni à préserver l’Ecosse
au sein de l’union.
Je
me suis plus attarder sur les arguments des indépendantistes, plutôt que
l’opposition. Mais la lecture des brochures du camp adverse montre une ligne assez
précise. La brochure du parti travailliste écossais, Scottish Labor, Scottish referendum, dans laquelle
l’ancien premier ministre Gordon Brown explique pourquoi il vote contre
l’indépendance, notamment parce que l’Union favorise le système de santé, parce
que l’indépendance de l’Ecosse soulèverait trop de questions incertaines
notamment pour le salaire minimum, le taux d’intérêt des retraites, le taux
d’intérêts des emprunts, le niveau d’efficacité des forces armées, etc…mais au-delà
de cet argumentaire passablement efficace, la même brochure rappelle qu’un
emploi d’écossais sur cinq est fourni par un employeur britannique, deux-tiers
des biens et services écossais sont vendus au sein du Royaume-Uni.
La
campagne You decide (c’est vous qui
décidez !) du gouvernement de Sa Majesté[2]
rappelle que l’Ecosse bénéficie d’un large réseau institutionnel : la BBC,
la National lottery, Her Majesty’s
Passport, le Research Council, etc.
L’Ecosse
bénéficie d’une monnaie stable assurée par la puissance de la Bank of England, et par 31 millions de
britanniques imposables. Beaucoup des emplois écossais sont assurés par les
relations économiques et commerciales avec le reste du Royaume ; près de
200 000 emplois sont soutenus par le secteur financier, les banques et assurances
dont 9/10 sont des clients vivants dans le reste du Royaume-Uni.
Si
les arguments du clan Yes Scotland/Scotland’s
Future pèchent indéniablement d’une trop grande confiance et d’une certaine
naïveté, le clan You decide se montre
quelque peu menaçant : c’est vous qui décidez, off course…mais prenez garde aux conséquences.
Parmi
ces arguments, le gouvernement britannique rappelle que les citoyens écossais
bénéficient d’un réseau de 200 ambassades et consulats présentes dans le monde,
au cas où ils auraient des difficultés à l’étranger. Prenez garde écossais, ne voyagez plus et restez chez vous !
De
même, d’un point de vue des relations internationales, Sa Majesté rappelle que le Royaume-Uni est un membre permanent du
conseil de sécurité des Nations Unies, qu’il est membre de l’OTAN, du
Commonwealth, du G7, G8, G20 et qu’en tant qu’un des quatre Etats membres de
l’Union européenne, l’intérêt de l’agriculture et de la pêche est certainement
mieux défendus. Il est bon de rappeler que dans deux ans, le Royaume-Uni
pourrait bien se prononcer pour une sortie de l’Union, choix que ne partage pas
le gouvernement SNP écossais.
La Justice sociale en Ecosse
Comme dans le reste d’Europe, les deux dernières
décennies ont témoigné d’une tendance à la décentralisation ; notamment en
matière de politiques sociales. En conséquent, le pouvoir exécutif local est
fournisseur et garant du bien-être des citoyens qu’ils représentent. Dans le
cas du Royaume-Uni, cela signifie que la mission incombe aux gouvernements d’Irlande
du Nord, du Pays de Galles, et d'Écosse.
Depuis 1999, ce principe de la dévolution a fourni l’occasion pour des transformations considérables, une différenciation de la politique par rapport à la perception locale du bien-être social et aussi par rapport à une nouvelle forme de citoyenneté (Greer, 2009; Mooney et Scott, 2005; Mooney., 2006; Parez, 1997; Paterson, 2001; Stewart 2004). Par exemple, en Ecosse, les soins personnels gratuits pour les personnes âgées et la mise en place de prix étudiant sont juste deux changements clés de la politique sociale. La Justice sociale est un concept peut-être difficile à définir (Craig, 2008; Newman et Yeates 2008), mais il a été utilisé régulièrement par les politiciens comme la ligne directrice des politiques sociales depuis la dévolution de l’Ecosse. Donald Dewar, premier first ministre écossais en 1999 déclarait que les valeurs qui lui importaient le plus dans la conduite d’un gouvernement d’Ecosse étaient l’égalité des chances et la justice sociale. Au cœur des stratégies de l’administration écossaise, l’exécutif reconnait qu’en combinant inégalité et pauvreté au communautarisme pouvait provoquer un processus puissant d’exclusion, mais que l’identification de ces groupes ou communautés pouvaient aussi permettre de mieux identifier leurs besoins, de les rassembler et de les associer au projet d’inclusion et aux processus de décision. La justice sociale écossaise repose sur l’identification des groupes ; notamment les plus défavorisés (Mooney et Johnstone 2000).
Depuis 1999, ce principe de la dévolution a fourni l’occasion pour des transformations considérables, une différenciation de la politique par rapport à la perception locale du bien-être social et aussi par rapport à une nouvelle forme de citoyenneté (Greer, 2009; Mooney et Scott, 2005; Mooney., 2006; Parez, 1997; Paterson, 2001; Stewart 2004). Par exemple, en Ecosse, les soins personnels gratuits pour les personnes âgées et la mise en place de prix étudiant sont juste deux changements clés de la politique sociale. La Justice sociale est un concept peut-être difficile à définir (Craig, 2008; Newman et Yeates 2008), mais il a été utilisé régulièrement par les politiciens comme la ligne directrice des politiques sociales depuis la dévolution de l’Ecosse. Donald Dewar, premier first ministre écossais en 1999 déclarait que les valeurs qui lui importaient le plus dans la conduite d’un gouvernement d’Ecosse étaient l’égalité des chances et la justice sociale. Au cœur des stratégies de l’administration écossaise, l’exécutif reconnait qu’en combinant inégalité et pauvreté au communautarisme pouvait provoquer un processus puissant d’exclusion, mais que l’identification de ces groupes ou communautés pouvaient aussi permettre de mieux identifier leurs besoins, de les rassembler et de les associer au projet d’inclusion et aux processus de décision. La justice sociale écossaise repose sur l’identification des groupes ; notamment les plus défavorisés (Mooney et Johnstone 2000).
Cette
politique ciblée est une sorte de prolongement de la question du scottishness au cœur du Royaume-Uni,
pour s’adresser à des groupes et communautés plus restreints et différenciable
selon leur genre, appartenance ethnique, identité religieuse et sexuelle. En
1999, l’exécutif écossais a publié sa première stratégie Social Justice : A Scotland
where everyone matters[1],
reposant sur un vaste réseau d’organisations de lutte pour l’inclusion et présenté
comme « la structure la plus complète jamais organisée pour s'attaquer à la
pauvreté en Écosse ». Ce réseau consultatif n’a pas malheureusement pas
durée, mais la stratégie mise en place a perduré notamment dans la rhétorique
politique de New Labor et du SNP pendant la période de dévolution. En 2003, le
parti travailliste écossais a réaffirmé son engagement de réduire la pauvreté
grâce à une stratégie « Closing the opportunity gap »[2]
. Cette stratégie a d’ailleurs permis une plus grande réduction de la pauvreté
des enfants qu’en Angleterre. En 2008, le gouvernement SNP poursuit en
proposant d’atteindre les objectifs de lutte contre la pauvreté et
l’inégalité des revenus en Écosse[3]
(2008).
À bien des égards, il est opportun de se
demander si l’indépendance conduira la politique sociale du SNP vers une plus
grande justice sociale. Notamment, en 2008, le SNP a remporté une large victoire du SNP dans
l’East end de Glasgow, une région où le seuil de pauvreté dépasse 50%. Dans ces
quartiers est, où je vis actuellement, les banderoles Yes Scotland, et les macarons aux couleurs de l’Ecosse sont
présentes sur beaucoup de façades d’immeuble et sur les pare-brise des automobiles.
En 2008, £7,5 millions ont été investis dans une organisation commune entre le
Gouvernement écossais et la Convention of Scottish local authorities[1]
(Conventions regroupant les autorités locales écossaises ou COSLA) afin de
réduire la pauvreté. Cette stratégie reposait alors sur l’amélioration
des revenus, une campagne d’information sur la règlementation du droit du
travail, mais de façon générale, cette stratégie se plaçait plus à gauche que
la politique de lutte contre la pauvreté proposé par Westminster. D’ailleurs,
la formulation du SNP repose plus sur l’usage du terme de pauvreté, afin
d’attirer l’attention sur le travail pauvre. De même, la stratégie de 2008 incluait
au niveau national : - l’amélioration des perceptions et de la qualité de
services publics délivrées; - l’augmentation des individus ayant quitté le
système scolaire, school leavers sur
le marché du travail ou dans des processus de formation - la réduction de l’illettrisme
- la lutte contre l’alcoolisme - l’augmentation de l’espérance de vie dans les
régions les pauvres.
En élargissant en 2010 à l’association
représentative des communautés cela a permis d’atteindre de nouveaux
objectifs : - la réduction des
demandeurs d’allocation chômage ; - la réduction du taux de grossesses
pour les jeunes femmes de moins de 16ans ; - l’augmentation de la qualité
de vie dans les quartiers ; - l’augmentation de la qualité des logements
sociaux ;- l’augmentation de l’accès à la propriété
La question de l’indépendance de l’Écosse amène
celle plus précise des implications pour la politique de Welfare et pour le système de santé. L’Ecosse a longtemps eu la
réputation longtemps d’être un « homme malade de l'Europe ». En
cause, certains indicateurs de performance du système écossais de santé étaient
largement en deçà du reste du Royaume-Uni et des autres pays d’Europe
occidentale. Les hommes nés dans les parties les plus pauvres d'Écosse peuvent
s'attendre à vivre en moyenne 10 à 9 années de moins que dans les régions plus
riches, et leur espérance de vie saine est seulement d’une cinquantaine
d’années. Pour Alex Neil, ministre de la santé du bien-être du gouvernement
écossais, l'indépendance est cruciale parce qu’elle permettra d'utiliser chaque
levier de politique publique pour s'attaquer au scandale de l’inégalité face à la
santé.
En novembre dernier, le Cahier blanc du gouvernement écossais sur le
futur de l'Écosse, Scotland’s Future a inclus le plan de réforme du système de
Santé National (NHS – National Health System)
ainsi que d’autres propositions liés à la santé des écossais. Malgré la
mainmise de Westminster sur bon nombre de sujet politique, la question de la
santé est, depuis la dévolution de
1999, sous la responsabilité du
Parlement écossais. L’Ecosse n’attend pas l’indépendance pour adopter des choix
en matière de santé différent de son voisin du sud ; et ce depuis ces
quinze dernières années. Malcom Chisholm, membre du parti travailliste écossais
et l’ancien ministre de la santé (2001-2004) a réformé le marché interne en
réintégrant certains services au sein du NHS, explique Allyson Pollock
professeure et chercheure en Santé publique à l’Université Queen Mary, à
Londres. Le Parlement écossais a aussi mis en place des politiques distinctives
permettant d'améliorer l'accès à santé et surtout aux soins de nuit.
De même,
le Gouvernement écossais a introduit la gratuité des soins pour les séniors en
2002, et en 2011 le gouvernement SNP rejetait les charges d’ordonnance,
décrites par le premier ministre Alex Salmond comme un « impôt sur le
malade »[1]. Ainsi,
pour le ministre de la santé et du bien-être actuel Alex Neil, une Écosse indépendante
permettrait d’assurer ces bénéfices acquis. « Dans une Écosse indépendante
nous continuerons à fournir une santé de qualité, telle qu’il se reflète dans les
principes fondateurs de notre NHS ». Et de poursuivre, « cela devrait
être perçue en contraste avec les privatisations à l’ordre du jour en Angleterre,
et qui menacent les fondations sur lesquelles le NHS est construit »
(Bennet, 2014).
Si les
Tories sont déterminés à privatiser le NHS en Angleterre, cela voudra dire des
coupes budgétaires dans les soins médicaux. Et par conséquent, cela voudra dire
des coupes dans la consolidation publique ici en Écosse. » Mais les
adversaires de l’indépendance défient le SNP sur les mêmes arguments. « En
sondant l’ensemble du spectre politique en Écosse, nul n’envisage une réforme
de santé allant dans le même sens que celle envisagée par le gouvernement de
coalition à Westminster » rassure Neil Findlay membre du Shadow cabinet du
Parti Travailliste écossais en charge du ministère pour la Santé et le
bien-être[1].
L’inquiétude principale est la future consolidation du NHS. Selon les opposants
à l’indépendance, le Gouvernement SNP s'est engagé à de vastes réformes afin de
convaincre les électeurs les plus sceptiques, mais la réduction d’impôts à
hauteur de £350 million par an accordée aux entreprises, associée à la
séparation avec le Royaume-Uni, cela pourrait avoir un impact sérieux sur les
dépenses du NHS. L’Ecosse est indéniablement un terrain fertile pour l’innovation
en matière de santé publique, puisque qu’elle a été la première partie du
Royaume-Uni à interdire de fumer dans les espaces publics, et le gouvernement
SNP a fait de la réduction de la consommation d’alcool un cheval de bataille. Les
partisans de l’indépendance insistent sur les réformes à venir en matière de
lutte contre l’obésité, de lutte contre l’alcoolisme et le tabagisme, notamment
par le biais de la taxation. Au-delà de la Santé, le gouvernement a également
promis une réévaluation à la hausse des pensions de retraite. En septembre
dernier, l’association britannique de médecine BMA a publié un article
demandant au gouvernement écossais d’être plus précis quant aux implications de
l’indépendance sur la politique de Santé. En effet, le papier rappelle que
beaucoup de régions bénéficient d’accords en matière de recherche de santé. Le
cahier blanc du gouvernement SNP répond à ces inquiétudes, notamment en
expliquant qu’après l’indépendance, ces accords seront maintenus et que le
Gouvernement écossais cherchera aussi maintenir le système consolidé de la
recherche, en contribuant directement au budget du Conseil de la Recherche.
Alex Salmond has a dream, …il rêve de pétrole
Alex
Salmond a un rêve. C'est le rêve d'un pays petit, indépendant qui accueille
l’industrie du pétrole, et dont les revenus croissants consolideraient des
services publics de première catégorie. Les surplus amortiraient les variations
du prix du pétrole l'huile et permettraient la consolidation de
fonds souverains ou fond d’Etat. Le rêve
de Salmond est séduisant et central dans son projet d’indépendance écossaise. Cependant,
il ne tient pas compte de la compétitivité mondiale. Le 24 février 2014, les
autorités britanniques et écossaises se sont rendues à Aberdeen, ville connue
pour son industrie pétrolière, afin d’affirmer leurs rôles en tant que garant
des richesses pétrolières de Mer du Nord. Ed Davey, Secrétaire à l’énergie et
au changement climatique, a rappelé que l’Ecosse était la troisième zone
d’impact, après Londres et la région Sud-Est de la Grande-Bretagne, grâce à une
industrie pétrolière supportée par l’ensemble du Royaume-Uni, pas seulement en Écosse.
M. Salmond affirme que beaucoup de ce qui a déjà été extrait en Mer du nord a
été gaspillé; et que les nationalistes assureraient une plus grande prospérité
du futur avec ce qui reste. En 2013, les ressources du pétrole représentaient
1,6% du PIB britannique, mais les économistes estiment qu’elles pourraient
représenter près de 15% du PIB de l’Ecosse si elle devenait indépendante[1]. Or si l'huile et gaz pompés en Mer du nord ces quarante
dernières années ont alimenté les fonds souverains du Royaume-Uni, et s’il est
admis que cette manne n’a pas toujours été dépensée avec sérieux, le SNP ne peut
pas affirmer que les écossais ont été lésés. Notamment, parce que la dépense
publique a largement dédommagé le Nord pour sa contribution à la Trésorerie[2].
Une Écosse indépendante recevrait probablement au moins 80% des revenus du
pétrole, soit une valeur de £200 md sur les vingt prochaines années. Avec ces
revenues, le Premier ministre David Cameron propose d'établir un fonds pour atténuer
les variations à court terme du prix mondial du pétrole et un autre fond pourraient
être aménagé à destination des écossais. Si les réserves de la Mer du nord
étaient inépuisables et facilement accessibles, cette vision serait idéale,
mais ces réserves ne le sont pas. Or, le prix augmente, modifiant la valeur des
stocks notamment pour les gisements à l’ouest des Îles Shetland. De même, la
production d'huile Mer du nord ne fait que chuter depuis les années 1990 et il
est possible que cette tendance continue. Le Bureau de prévisions de la
Responsabilité du Budget –Office for
forecasts of Budget Responsibility – qui évalue les revenus d'impôt de la Mer
du nord, estime que les 10md Bat par an, d’une valeur de £6.7 md les dernières
années seront revalorisés à la baisse à
hauteur de £4.1 md en 2017.Dans ce scénario, une Écosse indépendante serait
incapable de payer les services publics promis et de restaurer les
infrastructures industrielles vieillissantes en Mer du Nord. David Cameron a
tort en affirmant que seul un Pays comme le Royaume-Uni a les épaules assez
larges pour supporter l’industrie pétrolière de Mer du nord, puisque la Norvège
démontre le contraire, mais il a raison en disant qu'une Écosse indépendante du
reste de la Grande-Bretagne serait alors trop dépendante d’une unique source de
revenu. Les coûts et les risques engendrés par le pétrole de Mer du nord ont
été partagés par le pays entier. Les avantages devraient être partagés, aussi.
Her Majesty …et la gauche républicaine
L’aile
gauche des indépendantistes prépare une offre afin de rompre définitivement
avec le régime de monarchie parlementaire et dire Farewell (adieu) à la
Reine.
Les
adversaires de la monarchie croient qu’un vote pour l’indépendance leur donnera
une occasion historique de changer l'Écosse en une république, en dépit de la
promesse du SNP que la Reine sera maintenue dans son rôle de chef d'état. Cet
engagement de maintenir la Reine comme chef d’Etat est condamné aujourd'hui par
Colin Fox, membre du comité Yes Scotland ![1]
et porte-parole national pour le Parti socialiste écossais.Dans
l’hebdomadaire Scotland on Sunday, Fox
argumente : « je suis sûr que le Parti socialiste écossais n'est pas
le seul à voir une contradiction dans ce plan. La souveraineté
constitutionnelle est réelle uniquement si les citoyens ont aussi le droit de
choisir leur propre chef d'état ». Et de rajouter : « les privilèges
héréditaires et le droit divin des monarques n’ont pas leur place dans les
constitutions démocratiques digne de ce nom ».
Pour Fox, l’engagement du
SNP ne peut pas être conciliable avec les principes démocratiques d'égalité, de
citoyenneté et de souveraineté du peuple gens, et donc avec le projet
indépendantiste dans son ensemble."Dans le
camp du Oui, les écologistes écossais et une partie du centre-gauche porteur du
projet « Common Weal » (Bonheur Commun en référence au Commonwealth)
soutiennent le projet de République. En Juin 2014, le vice premier ministre
écossais Nicola Sturgeon faisait publié le Scottish Independance Bill dans
lequel il décrivait la plateforme constitutionnelle intérimaire qui servirait de
fondation au Gouvernement d'une Écosse indépendante jusqu’à la date du 24 mars
2016, date à laquelle une nouvelle Constitution serait définitivement entérinée. Ce décret
du Scottish Independance Bill sera présenté à Holyrood après le référendum de
septembre, si le Oui l’emporte.
Il sera
accompagné d’une révision du Scotland Act qui permettrait au nouvel Etat
indépendant d'agir jusqu’à la rédaction d’une nouvelle Constitution permanente
soit produite. Le
gouvernement d'Alex Salmond s’est engagé à la mise en place d’une convention
afin de décider de la nouvelle Constitution ; les antimonarchistes pensent
que la convention leur fournira l'occasion d'encadrer une constitution pour une
Écosse où la Reine n’a plus aucun rôle à jouer. Patrick Harvie, membre
écologiste au Parlement écossais et militant pour l'indépendance, relativise
plus que Fox, en expliquant que même s’il poursuivrait le projet changement
constitutionnel radical à long terme, il admet volontiers qu’il est difficile
de convertir soudainement le SNP en Républicain.maintient
la Reine comme chef d'état, et seulement après, selon Harvie, la convention
constitutionnelle permettra d’envisager les alternatives. Robin Mc Alpine,
membre du Centre-gauche et du Common weal Project rappelle que les fondements
historiques du Centre Gauche ont toujours prôné l’avènement à long-terme d’une
République mais qu’une période transitionnelle est envisageable à la condition
que suive un débat national sur le choix du Chef d’Etat. S’il se dit
relativement à l’aise avec la clause dans la Constitution intérimaire qui maintient
la Reine comme Chef d’Etat, il l’est moins quant à la clause suivante qui
mentionne qu’elle serait suivie sur le trône par ses « héritiers et
successeurs "
La lointaine question de l’Ecosse indépendante en Europe
En février 2014, alors qu’il était président de la
commission européen, Jose Manuel Barroso a lancé une polémique en annonçant
qu’une Ecosse indépendante devrait faire une nouvelle demande d’adhésion à
l'Union européenne, et qu'obtenir l'admission serait extrêmement difficile,
voire impossible. L’intervention de l’ancien président de la Commission
européenne, interrogé par la BBC, a passablement irrité les membres du Scottish National Party Parti national
écossais (SNP). Certains, dont Nicola Sturgeon, vice premier ministre écossais,
ou Angus Mc Neil, membre SNP au Parlement et Porte-parole du parti, reprochèrent
à Barroso de vouloir interférer dans le débat national (Herald, 2014)
L'intervention de Barroso a remis en cause les bases mêmes de la stratégie du parti pour l’indépendance. En effet, depuis 1988, le SNP a misé sur une stratégie pour l’'Indépendance au sein de l’Europe.' En devenant un membre de l'Union européenne, l'Écosse bénéficierait d’un accès préférentiel aux marchés continentaux et d’un environnement politique stable. Ainsi, l'Europe serait à la fois le garant de la viabilité d'Écosse et de sa sécurité contre les risques d’isolement. De plus, l’intégration dans l’union serait une preuve de son autodétermination démocratique grâce à la coopération dans le cadre d’une plus grande union politique.
Back to 1975
Historiquement, le SNP n'a pas toujours pro-européen. En 1975, quand le Royaume-Uni organisa un référendum sur l’adhésion à ce qui était encore la Communauté Économique européenne (CEE) ou 'Marché Commun', le SNP faisait campagne en faveur du retrait. De même que quand le parti conservateur et la presse de droite étaient irrésistiblement pour l’union européenne, le SNP visait des objectifs opposé. Pendant que Margaret Thatcher voulait la Grande-Bretagne en Europe, des documents du SNP annonçaient que la Communauté européenne marquerait « la mort de notre identité en tant que nation » (Tarditi, 2010, pp. 11-12)[1]. 1975 est un point de référence utile, parce qu’il s’agit du premier référendum national en Grande-Bretagne, et il offre la seule occasion pour laquelle la population a été consulté sur une question constitutionnelle impliquant le Royaume-Uni dans son ensemble.
A cette occasion, la campagne en Écosse témoignait déjà d’une identité distincte. Au-delà de la seule question du Royaume-Uni au cœur de l’Union, d’autres questions faisaient surface, en particulier la question de la place de l’Ecosse en Europe, le futur politique et économique de l’Ecosse, la question de la dévolution (ou « devolution » en anglais).Ce premier débat montrant les premiers antagonismes et introduisaient tous les débats qui suivirent sur l’Indépendance. Quand le SNP a abordé la question européenne, presque la moitié des 11 membres du parlement étaient en faveur d’une Ecosse au sein de la Communauté européenne. En effet, ces derniers étaient notamment influencés par la présidence prospère de l’Irlande à la tête du Conseil européen ; D’autres membres étaient fortement hostiles, considérant la Communauté comme une organisation bureaucratique et antidémocratique, qui ne verrait l’Ecosse que comme « la Province d’une Province ». Le parti a donc trouvé un compromis ouvert à la possibilité que l'Écosse puisse poser sa candidature à l’adhésion comme un état indépendant, bénéficiant de ses propres commissaires et d’une représentation indépendante au sein des institutions européennes. Le mot d’ordre était d’agir sur le principe d’« aucune taxation sans représentation ».
Dans les années 1970, la pensée européenne du SNP a été façonnée plus par tactique que par réelle idéologie unioniste. Un signe que les choses ont beaucoup changé ces dernières années, parce que dans le courant des années 1970, la partie la plus pro-européenne du Royaume-Uni était indiscutablement l'Angleterre. Le soutien pour l’intégration européenne était considérablement inférieur en Écosse, au Pays de Galles et en Irlande du Nord.
Si le SNP cherchait la neutralité sur la question européenne, ce sont manifestement les plus hostiles qui menaient à l’époque la Campagne. Dans les années 1970, William Wolfe avait prévenu que la participation dans la Communauté plongerait l'Écosse dans un âge sombre de politique télécommandée à distance et de gouvernement antidémocratique (Scotsman du 22 mai 1975).
Donald Stewart qui avait mené le groupe parlementaire du SNP avait rappelé que la CEE 'représentait tout ce contre quoi le SNP avait combattu : centralisations, procédures antidémocratiques, politique du pouvoir et la disparition des différences culturelles (Scotsman, du 2 juin 1975). A l’époque, des avertissements étaient déjà émis au sujet du futur du pétrole écossais, avec des prédictions que Bruxelles s’accapareraient les richesses du Pétroles. De même, les règles de la compétition européenne empêcheraient l'Écosse d'utiliser ses ressources selon ces propres choix. L’Ecosse riche de son pétrole serait plus prospère hors de la CEE.Comme les résultats des premiers référendums ont été déclarés sur une base nationale et régionale, cela a largement rendu publique la perspective d'une fracture entre les parties composant du Royaume-Uni.
Un tel gap, sur une question d’une telle magnitude politique et économique soulèverait des questions sérieuses au sujet du futur du Royaume-Uni, en particulier parce que le Non écossais était balayé par le Oui anglais.A contrario, les Pro-Europe de l’époque considéraient d’une part que dans la période de crise des années 1970, sortir du Marché commun serait équivalent à « un suicide national » (Glasgow Herald du 24 janvier 1975). De même, d’autres arguments étaient qu’à l’époque de l’Union soviétique, il était tout de même préférable de joindre une communauté de pays démocratique.Les pro-Européens ont par la suite bénéficié d’une bonne publicité, notamment grâce à George Thompson, ancien député travailliste écossais de Dundee qui a été l’un des premiers Commissaires européens de Grande-Bretagne, avec une responsabilité particulière pour la politique régionale.
A l'exception de l'Irlande du Nord, l'Écosse a été considérée largement comme la partie la plus eurosceptique du Royaume-Uni. Cependant, la décision de 1975 de rester dans la CEE a fonctionné à l'avantage du SNP à moyen-terme. Dans la décennie après le référendum, le SNP a construit des relations fructueuses avec d'autres groupements nationaux ou régionalistes, devenant ainsi une sorte de porte-flambeau. Le SNP a donc revalorisé le Scottishness ou nationalisme écossais grâce au cadre européen, en favorisant des relations inter-régions à l’intérieure de l’Union européenne, par exemple avec le Pays basque, la Catalogne, etc.
Contrastes et Evolution entre les campagnes de 1975 et 2014
En 1975, comme en 2014, la place de l’Écosse dans l’Europe et son futur dans le Royaume-Uni sont des questions liées. Beaucoup de choses ont changé depuis 1975. Depuis, le SNP a évolué d’un parti majoritairement anti-européen à un parti qui refuse même la vie à l'extérieur de l'UE. L'idée même émise par Barroso selon laquelle l'Écosse devrait faire une nouvelle demande pour l’adhésion, en tant qu’état indépendant, apparaît presque comme 'absurde.'
Les deux campagnes du référendum de 1975 et de 2014 ont quelques similarités : dans les deux cas, ceux qui souhaitent rester dans une plus grande union politique - le Marché Commun ou le Royaume-Uni – ont une tendance à insister sur les risques, en prévenant des conséquences économiques et politiques de séparation. Le futur de la monnaie, l'impact sur OTAN, et le danger d'isolement dans la mondialisation sont des arguments que l’on retrouve dans les débats des deux référendums comme soulevant particulièrement des inquiétudes.
Mais les différences entre les deux campagnes sont plus frappantes que les similarités – et ce, à l'avantage des nationalistes.
La campagne de 1975 se concentrait sur des questions d’emploi, de niveau de vie, de sécurité nationale. Quand l'inflation tournait autour de 25%, quand la monnaie fluctuait d'une crise à l’autre, et quand il y avait des inquiétudes régulières sur la capacité de Grande-Bretagne de maintenir son niveau d’autosuffisance alimentaire ou de fournir de l’énergie ; la question clé pour les électeurs en 1975 n'était pas s’ils se sentaient plus écossais, britanniques ou même européens, mais leur avenir sans la sécurité des institutions européennes.En 2014, l'humeur politique est visiblement moins apocalyptique.
La récession qui a commencé en 2008 est souvent décrite comme la pire depuis les années 30, mais cela n'a pas produit les inquiétudes existentielles qui ont encadré le débat de 1975. A ce titre, la crise financière n'a pas déclenché les mêmes inquiétudes au sujet de la viabilité des institutions politiques de Grande-Bretagne. La sécurité et la viabilité de l'état sont prises pour une grande part comme allant de soi.
En 1975, la campagne du SNP pour le retrait d’une plus grande union politique a souffert d’une défaite lourde. Presque quarante années plus tard, la tendance est largement inversée et si l'Écosse vote pour l’indépendance, cela se fera avec la promesse d'un futur sûr dans le marché unique européen.
Alex Salmond vs. Alistair Darling, deux rounds
Comme
tout évènement politique engageant le suffrage des citoyens, le referendum
n’échappe pas à la sacrosainte messe médiatique du débat télévisuel.
Le
4 aout dernier se tenait au Conservatoire royale de Glasgow le débat télévisé
entre Alex Salmond et Alistair Darling, le représentant de la Campagne Better
together et député travailliste au Parlement écossais
Si
le premier a rappelé que ce sont les mêmes partisans du contre qui étaient
jusqu’à l’accession au pouvoir du SNP et qui ont permis les taxes aussi
impopulaires que la fameuse Bedroom Tax,
Alistair
Darling a rappelé aux citoyens écossais qu’en restant dans le Royaume-Uni, ils
bénéficiaient des deux mondes…et que la question de l’indépendance portait sur
l’avenir et non sur une question de patriotisme.
Le
débat a tourné à l’avantage d’Alistair Darling parce que ce dernier a su mettre
en difficulté sur des questions concrètes comme la monnaie, mais aussi sur des
faits précis comme le vieillissement de la population plus rapide en Ecosse que
dans le reste du Royaume-Uni. Il a aussi rappelé que l’Ecosse a depuis ces 22 dernières
années a largement dépensé plus que ce que le Trésor pouvait permettre.
De
même quand le first Ministre Salmond a indiqué qu’il garderait la livre
sterling parce que le pound étaient autant écossais qu’anglais, Darling a
ironisé en disant que c’était comme divorcer et garder le compte joint, et que
c’était visiblement inconcevable.
Dans
le second débat télévisé auquel nous avons pu assister, qui se tenait le 25
août en direct du Glasgow Kelvin Grove Museum, il semblerait que Alex Salmond
se soit remis de ce que l’opinion considérait comme une mauvaise prestation
lors du premier débat.
Le
représentant de l’opposition a toutefois enjoint les écossais à ne pas miser
toute leur mise sur les ressources pétrolières, parce qu’il s’agissait d’un
pari risqué pour les générations à venir, rappelant qu’après l’indépendance le
pétrole écossais serait soumis à la fluctuation des marchés de façon plus en
plus forte.
Le
first Ministre a rappelé le coût et le poids que représente la force nucléaire
britannique installée près de Glasgow, dans la région du Clyde. Ce à quoi,
Darling a répondu en rappelant les 8 000 emplois que pourvoit la gestion
du trident nucléaire. Au cours du débat, Salmond a expliqué qu’il s’agissait
d’une chance de reprendre la responsabilité des décisions, tout en rappelant
les 18années de Thatchérisme, la fameuse Bedroom tax, la Poll tax, ou encore
les guerres illégales, faisant mention de l’intervention du Royaume-Uni dans
les conflits de ces dix dernières années. Et Darling lui a rappelé qu’il s’agissait
d’une décision capitale, et qu’il n’y avait pas de retour en arrière
possible.
Ce
que pensent les écossais ?
Le site
What Scotland thinks?[1] compile
les résultats de plusieurs sondages sur de plus ou moins longues périodes. Il donne une perspective du débat.
Do you think Scotland would be better or worse off if
independent from the rest of the UK:
Pensez-vous
que l’Ecosse ferait mieux ou moins bien si le pays était indépendant du reste
du Royaume-Uni:
Les
personnes interrogées sont peu confiantes quant au sort de l’Ecosse hors du
Royaume-Uni :
32%
en mai 2011, 31% en mai 2012, 36% en
Aout 2014 pensent que l’Ecosse ferait mieux, contre respectivement 53%, 54%,
53% pensent le contraire.
Should Scotland be an independant country?
L’Ecosse
devrait-il être un pays indépendant?
Les
résultats des sondages réalisés entre février 2013 et aout 2014 sont un peu
plus fluctuants mais dessinent la même tendance :
32%
en février 2013, 26 %en Mai 2013 29% en aout 2013 ? 38% en février 2014,
42% en aout 2014 pensent que OUI contre respectivement 47% ; 65% ;
59% ; 47% ; 48% sont
absolument contre l’idée d’indépendance. Il faut noter qu’à certaines périodes,
l’écart se resserre. Par exemple, le plus écart recensé est 43% pour et 45%
contre en juin de cette année. Néanmoins, en deux ans, le OUI à l’indépendance
ne l’emporte jamais
Cependant, le tout dernier sondage donne finalement une légère avance au camp du YES, ce qui suscite une certaine fébrilité dans le camp jusque là confiant du NON à l'indépendance .
Have you definitely decided to vote that way or might
you change your mind
Votre décision
est-elle définitive ou peut-elle évoluer ?
76%
était déjà sûr en septembre 2013 et 85 % en aout dernier.
Would you vote Yes or No, if you thought the UK would
leave the EU in a few years’ time?
Voteriez-vous
OUI ou NON, si vous pensez que le Royaume-Uni quitter l’Union européenne dans quelques
années ?
La
question de la sortie de l’UE est purement hypothétique, mais elle revient dans
les débats nationaux des pays du Royaume-Uni. L’influence de ce futur débat sur
le débat actuel n’est pas hors de propos. Pourtant, en juillet 2014 37% voteront
pour l’indépendance contre 43% contre.
What are your
views on the Monarchy ?
Quel est votre
avis sur la monarchie?
En
octobre 2013, 48% des écossais étaient favorables contre 32% contre.
Are you satisfied or dissatisfied with Alex Salmond as
First Minister?
Etes-vous
satisfait ou mécontent du premier Ministre écossais Alex Salmond?
En
mai 2008, 53 étaient satisfaits contre 33% ; alors qu’en août 2014, 49%
étaient satisfaits mais les mécontents gagnaient du terrain avec 43%
[1]
www.whatscotlandthinks.org
[1]
Tarditi, V. (2010) 'The Scottish National Party's changing attitude towards the
European Union', Sussex European Institute Working Paper
[1] CHARELL Marie, « L’Ecosse
face aux défis de l’indépendance », Le
Monde (25 novembre 2013), dernier accès le 14 janvier 2014,
<http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/11/25/l-ecosse-face-aux-delicats-defis-de-l-independance_3519743_3234.html>.
[2] La formule Barnett qui est un
mécanisme utilisé par le Trésor britannique afin d’ajuster le niveau des
dépenses publiques allouées à l’Ecosse, au Pays de Galles et à l’Irlande du
Nord, en référence aux dépenses en Angleterre, Pays de Galles et Angleterre, et
Grande-Bretagne. Il tient compte de la démographie mais moins des besoins
réelles des pays.
[1]
www.scotland.gov.uk/Publications/1999/11/4174/File-1
[2] www.scotland.gov.uk/Resource/Doc/206218/0054797.pdf
[3]
“Achieving Our Potential: A Framework to tackle poverty and income
inequality in Scotland”, 2008
[4] www.cosla.gov.uk
[5] Bennet N., 2014. Health
on the agenda in Scottish Independence, in The Lancet, n°9915
[6] Dans les pays appliquant le
système de Westminster, le shadow cabinet ou cabinet fantôme comprend les députés
les plus importants du principal parti de l'opposition parlementaire, chacun
chargé par le chef de l'opposition de surveiller et critiquer un ministre du
gouvernement.
[1]
Scotland’s Future, p. 154
[2]
HM Government, What staying in the United Kingdom means for Scotland,
www.gov.uk/youdecide2014
[1]
Scotland’s Future, p. 75
[2]
Scotland’s Future, p. 84
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