septembre 08, 2014

Yes Scotland!...or maybe not. Le referendum pour l’indépendance de l’Ecosse




 
 
Depuis que je suis installé à Glasgow, j’assiste avec grand intérêt à une situation paradoxale dont l’histoire a le secret. L’Ecosse vit en l’intervalle de deux mois deux évènements d’importance majeure et qui ouvrent deux perspectives contradictoires. En Juillet, la ville de Glasgow a accueilli les 20ème jeux du Commonwealth, faisant de Glasgow, la capitale du Commonwealth…deux mois plus tard en Septembre, les citoyens écossais vont décider s’il reste ou pas dans ce même Commonwealth ou plus exactement si l’Ecosse reste au sein du Royaume-Uni. Ironique, isn’t it !

Grand artisan de ce référendum, le first ministre, Alex Salmond premier ministre écossais, à ne pas confondre avec le prime ministre David Cameron, premier ministre du Royaume-Uni, est un nationaliste convaincu et dont les convictions depuis ses débuts en politique en 1973 étaient de conduire le citoyen à ce moment (peut-être) historique du 18 septembre.





Avant l’indépendance, il y a eu la dévolution
Le référendum qui se tiendra le 18 septembre prochain est une suite logique du Scotland Act 1998 et de la dévolution, ainsi que l’élection d’un gouvernement indépendantiste à la tête de l’Ecosse. En mai 1997, le gouvernement travailliste de Tony Blair a été élu en garantissant plus d’autonomie aux nations du Royaume-Uni, et en décidant la création d’institution dévolue en Écosse. En 1997, un référendum obtient une majorité de votes « pour ». La dévolution du pouvoir au Royaume-Uni est le principe de statuts transférant certains pouvoirs du Parlement du Royaume-Uni au Parlement écossais (Scottish Parliament), à l'Assemblée nationale de Galles (National Assembly for Wales) et à l'Assemblée nord-irlandaise (Northern Ireland Assembly). Cette décentralisation s’accompagne de la création de gouvernement nationaux respectifs : le gouvernement écossais (Scottish Government), le gouvernement gallois (Welsh Government) et à l'exécutif nord-irlandais (Northern Ireland Executive).

C’est le Scotland Act 1998 qui permet la création du Parlement écossais (Scottish Parliament), et celui-ci possède les pouvoirs de faire la législation primaire pour certains domaines dévolus de la politique, en plus de certains pouvoirs limités d'imposition. Les compétences du parlement et l’exécutif écossais sont les suivants : la santé et les services sociaux ; l’éducation et la formation ; l’administration locale et le logement ; la justice et la police ; l’agriculture, les forêts et la pêche ; l’environnement ; le tourisme, le sport et la culture ; enfin, le développement économique et transports.

 
Scotland’s Future


La lecture des 670 pages du Cahier blanc intitulé Scotland’s future[1] est censé être comme le sous-titre l’indique un guide pour une écosse indépendante. Cet épais rapport préfacé par le first ministre Alex Salmond remplit parfaitement son rôle puisqu’il énumère chapitre par chapitre les raisons et les répercussions « positives » de l’indépendance ; l’état des finances publiques d’une Ecosse indépendante ; l’économie, la fiscalité et le niveau de compétitivité des entreprises écossaises ; les politiques sociales, de santé, de bien-être ; l’éducation, la recherche universitaire, l’emploi, la défense et les relations internationales dans le monde, avec le reste du Royaume-Uni, dans l’Union européenne ; la sécurité intérieure et la justice ; l’environnement, la préservation des ressources, l’Ecosse rurale et son agriculture ; la culture ; et pour finir la stratégie pour construire une démocratie moderne. Rien n’est laissé au hasard



[1] www.scotreferendum.com
  




La préface de Alex Salmond rappelle combien l’Ecosse est une grande et très ancienne nation, connue non seulement pour ces paysages « à couper le souffle », mais aussi pour sa créativité et son génie, ses valeurs de compassion, d’égalité, son engagement pour une meilleure éducation. Mais, même si l’Ecosse est un pays de poètes et de cornemuses, ce sont surtout les chiffres et les nombreux diagrammes qui construisent l’argumentaire censé convaincre les citoyens écossais.




Ces cinq dernières années, les finances publiques de l’Ecosse ont été plus solides que l’ensemble du Royaume-Uni, avec un total de 12,6 Mds £, presque 2 400 £ par individu.

L’Ecosse a donc, selon le rapport, largement les moyens de son indépendance, d’autant plus qu’en ajoutant les revenus fiscaux du pétrole et du gaz de Mer du Nord, les revenus fiscaux s’élèvent à un niveau 20% supérieur à la moyenne britannique. Or, le rapport rappelle que malgré les prochains changements intégrés dans le Scotland Act 2012 qui donne au Parlement écossais le contrôle sur deux nouvelles sources fiscales qui rapporteraient 400 million £, Westminster garderait tout autorité et responsabilité sur 85% des sources fiscales du pays. Un manque à gagner qui, évidemment, empêcherait tout investissement dans les politiques sociales, dans l’éducation, etc. Par exemple, selon les projections 2016/ 2017 pour une Ecosse indépendante[1], le nouvel état écossais investirait alors 18,8 Mds £ pour la réserve de la Sécurité sociale. Mais ces projections sont basées sur deux scénarios : le premier prévoit que la production de Mer du Nord reste inchangée, le deuxième prévoit une augmentation de la production…mais qu’en serait-il d’un troisième scénario. Celui-ci, absent dans le texte, appartient à l’argumentaire du camp adverse, qui rappelle que les infrastructures pétrolières et gazières nécessitent un coût qu’une Ecosse indépendante ne saurait amortir ; de plus, face à la fluctuation des courts et le niveau de production en baisse depuis 15ans, la source de financement risquerait d’être revue à la baisse, et ainsi tous les futurs investissements prévus par le SNP.

Mais en matière de chiffres, le chapitre 3[2] est certainement le plus repris par les médias et, notamment par les brochures de la Campagne Yes Scotland. Il rappelle combien l’Ecosse est un pays riche, qu’indépendante l’Ecosse pourrait être le 20ème pays le plus riche au monde, que l’Ecosse est 14ème au rang des pays selon l’OCDE, contrairement au Royaume-Uni qui est 18ème.

Yes, Scotland has got what it takes! titre le diagramme synthétisant les contours de l’économie écossaise:

·                    Le PIB par tête place l’Ecosse 8ème des pays de l’OCDE.

·                    La production pétrolière écossaise représente 98,8 % de la production écossaise, et la brochure Yes Scotland précise que l’industrie du pétrole et du gaz rapporte 1 500 Mds £ ;

·                    L’industrie du bâtiment rapporte 17Mds £ ;

·                    L’industrie du tourisme s’élève à 9Mds, auxquels la brochure Yes Scotland ajoute 1Mds ;

·                    L’industrie des nouvelles technologies et de la création rapporte 2,8 Mds contre 5Mds pour Yes Scotland ;

·                    L’industrie alimentaire pèse 13Mds £ et l’agriculture écossaise représente 11,6% de la production totale du Royaume-Uni.

·                    Grâce aux marées, l’Ecosse pourrait envisager une production de 10% d’énergie, et 25% grâce aux vents,… la fameuse météo écossaise !

·                    Enfin, the last but not least, l’excellent whisky écossais rapporte près de 4,3Mds £ à l’export.

La structure de l’économie écossaise depuis la dévolution et telle que décrite page 87 est répartie selon la stratégie suivante : 1% pour l’agriculture, la pêche et l’industrie forestière ; 7% pour d’autres types de production ; l’industrie et manufacture représente 12% ; la finance et les affaires 25% ; la grande distribution, l’industrie alimentaire et le logement 13% ; les transports, l’information et la communication 8% ; l’administration et le gouvernement 26% ; la construction 8%.

 

Au-delà de l’économie, le chapitre sur la politique sociale, le bien-être et la santé est l’occasion pour les partisans de l’indépendance de critiquer Westminster. Ce chapitre est certainement le plus à charge contre la politique libérale britannique.

Le rapport explique qu’en 2011/12, 710 000 personnes (soit 14% de la population) vivaient dans une pauvreté relative en Ecosse, que ce nombre représentait 420 000 actifs ou personnes en âge de travailler, 140 000 séniors et retraités, et surtout 150 000 enfants.


La pauvreté des enfants est sans aucun doute l’argument massue du gouvernement et du Comité Yes Scotland. La prédiction d’une augmentation de 22,7% d’ici 2020, soit 200 000 enfants pauvres apparait partout sur les affiches dans les stations de bus, sur les cabines téléphoniques, en 4 par 3 sur les panneaux le long des routes. Ces estimations de The Institute of Fiscal Studies, l’Institut d’Etudes fiscales, seraient le seul fait de la politique de réformes du système de Welfare organisé depuis Westminster. Les réformes de Westminster pourraient même prélever 4,5Mds £ supplémentaire aux foyers écossais. Ce sont en substance les arguments qui rendent la question de l’indépendance urgente.
Selon le rapport, le gouvernement écossais a réussi à pallier aux difficultés des plus démunis, notamment grâce à des accords avec les Councils d’Ecosse et autres autorités locales, afin de protéger 560 000 personnes des risques liées aux coupes budgétaires. Le gouvernement s’est d’ailleurs engagé à verser 20 millions de £ entre 2013/2014 et 2014/2015 pour aider les personnes les plus affectées par la Bedroom tax, une pénalité pour les logements sociaux sous-occupés. L’usager de logements sociaux se voit réduire son allocation logement s’il est considéré comme ayant plus d’espace qu’il ne lui en faut. Abolir l’impopulaire et incomprise Bedroom Tax est une promesse du Gouvernement SNP.
Pour accompagner les usagers face aux réformes de politique de Westminster, le gouvernement a investi près de 7,9 millions de £ dans des services d’informations et d’accompagnement en 2012/2013 et près de 33millions sont réinjectés dans le Scottish Welfare Fund fond de protection sociale écossais.
Au-delà de son engagement à abolir les taxes impopulaires, le gouvernement s’engage évidemment auprès des publics généralement visées par les politiques d’assistance[1] : les chômeurs, les personnes âgées, les familles avec enfants à charge, les personnes handicapées, etc.
La pauvreté fait l’objet de campagne importante, notamment parce qu’elle engendre des situations de santé précaire, avec une espérance de vie 11 ans inférieure dans les régions les plus pauvres d’Ecosse, la mortalité suite à un cancer 76% plus élevé dans ces mêmes régions (Scotland’s Future, p.171).
 
 
En ce qui concerne la petite enfance, childcare, le gouvernement s’est engagé après l’indépendance, à débloquer près de 600 heures d’assistance maternelle pour près de la moitié des enfants de moins de deux ans, 1 140h pour ceux de 3/4ans après la première élection parlementaire postindépendance, et 1 140h pour ceux entre 1an et l’âge de rentrer à l’école, après la deuxième. Les principaux bénéficiaires seraient les foyers bénéficiant d’allocation familiale ou d’allocation chômage.
Le reste des politiques d’éducation n’est pas plus originale que dans d’autres circonstances, le chapitre 5 rappelle son attachement à la renommée des universitaires écossaises, son soutien aux 167 365 étudiants et 40 000 étudiants étrangers et à la gratuité de l’université pour les étudiants (ce qui leur épargne une moyenne  de 9 000£ de frais de scolarité, comme en Angleterre).
Néanmoins, si la recherche universitaire écossaise a bénéficié de 905 millions de £ de sources diverses (le(s) gouvernement(s), l’Union européenne, les fondations, les mécènes privés et les entreprises), le rapport explique que c’est dans l’intérêt de l’Ecosse et de l’Angleterre de poursuivre certaines collaborations,…et ainsi assurer aux universités d’une Ecosse indépendante, les ressources britanniques.
 
La lecture de ce rapport est un bon guide pour une Ecosse indépendante, tant que l’on lit entre les lignes. Il est évident que certaines réformes de Westminster, sont mal vues en Ecosse, et qu’elles favorisent de fait le positionnement et l’argumentaire des indépendantistes. Il est clair que l’Ecosse bénéficie de nombreuses richesses et sources de revenus, mais une chose est moins claire, et c’est la volonté du Royaume-Uni à préserver l’Ecosse au sein de l’union.
Je me suis plus attarder sur les arguments des indépendantistes, plutôt que l’opposition. Mais la lecture des brochures du camp adverse montre une ligne assez précise. La brochure du parti travailliste écossais, Scottish Labor, Scottish referendum, dans laquelle l’ancien premier ministre Gordon Brown explique pourquoi il vote contre l’indépendance, notamment parce que l’Union favorise le système de santé, parce que l’indépendance de l’Ecosse soulèverait trop de questions incertaines notamment pour le salaire minimum, le taux d’intérêt des retraites, le taux d’intérêts des emprunts, le niveau d’efficacité des forces armées, etc…mais au-delà de cet argumentaire passablement efficace, la même brochure rappelle qu’un emploi d’écossais sur cinq est fourni par un employeur britannique, deux-tiers des biens et services écossais sont vendus au sein du Royaume-Uni.
La campagne You decide (c’est vous qui décidez !) du gouvernement de Sa Majesté[2] rappelle que l’Ecosse bénéficie d’un large réseau institutionnel : la BBC, la National lottery, Her Majesty’s Passport, le Research Council, etc.
L’Ecosse bénéficie d’une monnaie stable assurée par la puissance de la Bank of England, et par 31 millions de britanniques imposables. Beaucoup des emplois écossais sont assurés par les relations économiques et commerciales avec le reste du Royaume ; près de 200 000 emplois sont soutenus par le secteur financier, les banques et assurances dont 9/10 sont des clients vivants dans le reste du Royaume-Uni.
Si les arguments du clan Yes Scotland/Scotland’s Future pèchent indéniablement d’une trop grande confiance et d’une certaine naïveté, le clan You decide se montre quelque peu menaçant : c’est vous qui décidez, off course…mais prenez garde aux conséquences.
Parmi ces arguments, le gouvernement britannique rappelle que les citoyens écossais bénéficient d’un réseau de 200 ambassades et consulats présentes dans le monde, au cas où ils auraient des difficultés à l’étranger. Prenez garde écossais, ne voyagez plus et restez chez vous !
De même, d’un point de vue des relations internationales, Sa Majesté rappelle que le Royaume-Uni est un membre permanent du conseil de sécurité des Nations Unies, qu’il est membre de l’OTAN, du Commonwealth, du G7, G8, G20 et qu’en tant qu’un des quatre Etats membres de l’Union européenne, l’intérêt de l’agriculture et de la pêche est certainement mieux défendus. Il est bon de rappeler que dans deux ans, le Royaume-Uni pourrait bien se prononcer pour une sortie de l’Union, choix que ne partage pas le gouvernement SNP écossais.

La Justice sociale en Ecosse
 
 
Comme dans le reste d’Europe, les deux dernières décennies ont témoigné d’une tendance à la décentralisation ; notamment en matière de politiques sociales. En conséquent, le pouvoir exécutif local est fournisseur et garant du bien-être des citoyens qu’ils représentent. Dans le cas du Royaume-Uni, cela signifie que la mission incombe aux gouvernements d’Irlande du Nord, du Pays de Galles, et d'Écosse.
Depuis 1999, ce principe de la dévolution a fourni l’occasion pour des transformations considérables, une différenciation de la politique par rapport à la perception locale du bien-être social et aussi par rapport à une nouvelle forme de citoyenneté (Greer, 2009; Mooney et Scott, 2005; Mooney., 2006; Parez, 1997; Paterson, 2001; Stewart 2004). Par exemple, en Ecosse, les soins personnels gratuits pour les personnes âgées et la mise en place de prix étudiant sont juste deux changements clés de la politique sociale. La Justice sociale est un concept peut-être difficile à définir (Craig, 2008; Newman et Yeates 2008), mais il a été utilisé régulièrement par les politiciens comme la ligne directrice des politiques sociales depuis la dévolution de l’Ecosse. Donald Dewar, premier first ministre écossais en 1999 déclarait que les valeurs qui lui importaient le plus dans la conduite d’un gouvernement d’Ecosse étaient l’égalité des chances et la justice sociale. Au cœur des stratégies de l’administration écossaise, l’exécutif reconnait qu’en combinant inégalité et pauvreté au communautarisme pouvait provoquer un processus puissant d’exclusion, mais que l’identification de ces groupes ou communautés pouvaient aussi permettre de mieux identifier leurs besoins, de les rassembler et de les associer au projet d’inclusion et aux processus de décision. La justice sociale écossaise repose sur l’identification des groupes ; notamment les plus défavorisés (Mooney et Johnstone 2000).

Cette politique ciblée est une sorte de prolongement de la question du scottishness au cœur du Royaume-Uni, pour s’adresser à des groupes et communautés plus restreints et différenciable selon leur genre, appartenance ethnique, identité religieuse et sexuelle. En 1999, l’exécutif écossais a publié sa première stratégie Social Justice : A Scotland where everyone matters[1], reposant sur un vaste réseau d’organisations de lutte pour l’inclusion et présenté comme « la structure la plus complète jamais organisée pour s'attaquer à la pauvreté en Écosse ». Ce réseau consultatif n’a pas malheureusement pas durée, mais la stratégie mise en place a perduré notamment dans la rhétorique politique de New Labor et du SNP pendant la période de dévolution. En 2003, le parti travailliste écossais a réaffirmé son engagement de réduire la pauvreté grâce à une stratégie  « Closing the opportunity gap »[2] . Cette stratégie a d’ailleurs permis une plus grande réduction de la pauvreté des enfants qu’en Angleterre. En 2008, le gouvernement SNP poursuit en proposant d’atteindre les objectifs de lutte contre la pauvreté et l’inégalité des revenus en Écosse[3] (2008).
À bien des égards, il est opportun de se demander si l’indépendance conduira la politique sociale du SNP vers une plus grande justice sociale.  Notamment, en 2008, le  SNP a remporté une large victoire du SNP dans l’East end de Glasgow, une région où le seuil de pauvreté dépasse 50%. Dans ces quartiers est, où je vis actuellement, les banderoles Yes Scotland, et les macarons aux couleurs de l’Ecosse sont présentes sur beaucoup de façades d’immeuble et sur les pare-brise des automobiles. En 2008, £7,5 millions ont été investis dans une organisation commune entre le Gouvernement écossais et la Convention of Scottish local authorities[1] (Conventions regroupant les autorités locales écossaises ou COSLA) afin de réduire la pauvreté. Cette stratégie reposait alors sur l’amélioration des revenus, une campagne d’information sur la règlementation du droit du travail, mais de façon générale, cette stratégie se plaçait plus à gauche que la politique de lutte contre la pauvreté proposé par Westminster. D’ailleurs, la formulation du SNP repose plus sur l’usage du terme de pauvreté, afin d’attirer l’attention sur le travail pauvre. De même, la stratégie de 2008 incluait au niveau national : - l’amélioration des perceptions et de la qualité de services publics délivrées; - l’augmentation des individus ayant quitté le système scolaire, school leavers sur le marché du travail ou dans des processus de formation - la réduction de l’illettrisme - la lutte contre l’alcoolisme - l’augmentation de l’espérance de vie dans les régions les pauvres.
En élargissant en 2010 à l’association représentative des communautés cela a permis d’atteindre de nouveaux objectifs :  - la réduction des demandeurs d’allocation chômage ; - la réduction du taux de grossesses pour les jeunes femmes de moins de 16ans ; - l’augmentation de la qualité de vie dans les quartiers ; - l’augmentation de la qualité des logements sociaux ;- l’augmentation de l’accès à la propriété
 



 
La question de la santé dans le débat

La question de l’indépendance de l’Écosse amène celle plus précise des implications pour la politique de Welfare et pour le système de santé. L’Ecosse a longtemps eu la réputation longtemps d’être un « homme malade de l'Europe ». En cause, certains indicateurs de performance du système écossais de santé étaient largement en deçà du reste du Royaume-Uni et des autres pays d’Europe occidentale. Les hommes nés dans les parties les plus pauvres d'Écosse peuvent s'attendre à vivre en moyenne 10 à 9 années de moins que dans les régions plus riches, et leur espérance de vie saine est seulement d’une cinquantaine d’années. Pour Alex Neil, ministre de la santé du bien-être du gouvernement écossais, l'indépendance est cruciale parce qu’elle permettra d'utiliser chaque levier de politique publique pour s'attaquer au scandale de l’inégalité face à la santé.
En novembre dernier, le Cahier blanc du gouvernement écossais sur le futur de l'Écosse, Scotland’s Future a inclus le plan de réforme du système de Santé National (NHS – National Health System) ainsi que d’autres propositions liés à la santé des écossais. Malgré la mainmise de Westminster sur bon nombre de sujet politique, la question de la santé est, depuis la dévolution de 1999, sous la responsabilité du Parlement écossais. L’Ecosse n’attend pas l’indépendance pour adopter des choix en matière de santé différent de son voisin du sud ; et ce depuis ces quinze dernières années. Malcom Chisholm, membre du parti travailliste écossais et l’ancien ministre de la santé (2001-2004) a réformé le marché interne en réintégrant certains services au sein du NHS, explique Allyson Pollock professeure et chercheure en Santé publique à l’Université Queen Mary, à Londres. Le Parlement écossais a aussi mis en place des politiques distinctives permettant d'améliorer l'accès à santé et surtout aux soins de nuit.
De même, le Gouvernement écossais a introduit la gratuité des soins pour les séniors en 2002, et en 2011 le gouvernement SNP rejetait les charges d’ordonnance, décrites par le premier ministre Alex Salmond comme un « impôt sur le malade »[1]. Ainsi, pour le ministre de la santé et du bien-être actuel Alex Neil, une Écosse indépendante permettrait d’assurer ces bénéfices acquis. « Dans une Écosse indépendante nous continuerons à fournir une santé de qualité, telle qu’il se reflète dans les principes fondateurs de notre NHS ». Et de poursuivre, « cela devrait être perçue en contraste avec les privatisations à l’ordre du jour en Angleterre, et qui menacent les fondations sur lesquelles le NHS est construit » (Bennet, 2014).

Si les Tories sont déterminés à privatiser le NHS en Angleterre, cela voudra dire des coupes budgétaires dans les soins médicaux. Et par conséquent, cela voudra dire des coupes dans la consolidation publique ici en Écosse. » Mais les adversaires de l’indépendance défient le SNP sur les mêmes arguments. « En sondant l’ensemble du spectre politique en Écosse, nul n’envisage une réforme de santé allant dans le même sens que celle envisagée par le gouvernement de coalition à Westminster » rassure Neil Findlay membre du Shadow cabinet du Parti Travailliste écossais en charge du ministère pour la Santé et le bien-être[1]. L’inquiétude principale est la future consolidation du NHS. Selon les opposants à l’indépendance, le Gouvernement SNP s'est engagé à de vastes réformes afin de convaincre les électeurs les plus sceptiques, mais la réduction d’impôts à hauteur de £350 million par an accordée aux entreprises, associée à la séparation avec le Royaume-Uni, cela pourrait avoir un impact sérieux sur les dépenses du NHS. L’Ecosse est indéniablement un terrain fertile pour l’innovation en matière de santé publique, puisque qu’elle a été la première partie du Royaume-Uni à interdire de fumer dans les espaces publics, et le gouvernement SNP a fait de la réduction de la consommation d’alcool un cheval de bataille. Les partisans de l’indépendance insistent sur les réformes à venir en matière de lutte contre l’obésité, de lutte contre l’alcoolisme et le tabagisme, notamment par le biais de la taxation. Au-delà de la Santé, le gouvernement a également promis une réévaluation à la hausse des pensions de retraite. En septembre dernier, l’association britannique de médecine BMA a publié un article demandant au gouvernement écossais d’être plus précis quant aux implications de l’indépendance sur la politique de Santé. En effet, le papier rappelle que beaucoup de régions bénéficient d’accords en matière de recherche de santé. Le cahier blanc du gouvernement SNP répond à ces inquiétudes, notamment en expliquant qu’après l’indépendance, ces accords seront maintenus et que le Gouvernement écossais cherchera aussi maintenir le système consolidé de la recherche, en contribuant directement au budget du Conseil de la Recherche.

Alex Salmond has a dream, …il rêve de pétrole


Alex Salmond a un rêve. C'est le rêve d'un pays petit, indépendant qui accueille l’industrie du pétrole, et dont les revenus croissants consolideraient des services publics de première catégorie. Les surplus amortiraient les variations du prix du pétrole l'huile et permettraient la consolidation de fonds souverains ou fond d’Etat. Le rêve de Salmond est séduisant et central dans son projet d’indépendance écossaise. Cependant, il ne tient pas compte de la compétitivité mondiale. Le 24 février 2014, les autorités britanniques et écossaises se sont rendues à Aberdeen, ville connue pour son industrie pétrolière, afin d’affirmer leurs rôles en tant que garant des richesses pétrolières de Mer du Nord. Ed Davey, Secrétaire à l’énergie et au changement climatique, a rappelé que l’Ecosse était la troisième zone d’impact, après Londres et la région Sud-Est de la Grande-Bretagne, grâce à une industrie pétrolière supportée par l’ensemble du Royaume-Uni, pas seulement en Écosse. M. Salmond affirme que beaucoup de ce qui a déjà été extrait en Mer du nord a été gaspillé; et que les nationalistes assureraient une plus grande prospérité du futur avec ce qui reste. En 2013, les ressources du pétrole représentaient 1,6% du PIB britannique, mais les économistes estiment qu’elles pourraient représenter près de 15% du PIB de l’Ecosse si elle devenait indépendante[1]. Or si l'huile et gaz pompés en Mer du nord ces quarante dernières années ont alimenté les fonds souverains du Royaume-Uni, et s’il est admis que cette manne n’a pas toujours été dépensée avec sérieux, le SNP ne peut pas affirmer que les écossais ont été lésés. Notamment, parce que la dépense publique a largement dédommagé le Nord pour sa contribution à la Trésorerie[2]. Une Écosse indépendante recevrait probablement au moins 80% des revenus du pétrole, soit une valeur de £200 md sur les vingt prochaines années. Avec ces revenues, le Premier ministre David Cameron propose d'établir un fonds pour atténuer les variations à court terme du prix mondial du pétrole et un autre fond pourraient être aménagé à destination des écossais. Si les réserves de la Mer du nord étaient inépuisables et facilement accessibles, cette vision serait idéale, mais ces réserves ne le sont pas. Or, le prix augmente, modifiant la valeur des stocks notamment pour les gisements à l’ouest des Îles Shetland. De même, la production d'huile Mer du nord ne fait que chuter depuis les années 1990 et il est possible que cette tendance continue. Le Bureau de prévisions de la Responsabilité du Budget –Office for forecasts of Budget Responsibility – qui évalue les revenus d'impôt de la Mer du nord, estime que les 10md Bat par an, d’une valeur de £6.7 md les dernières années  seront revalorisés à la baisse à hauteur de £4.1 md en 2017.Dans ce scénario, une Écosse indépendante serait incapable de payer les services publics promis et de restaurer les infrastructures industrielles vieillissantes en Mer du Nord. David Cameron a tort en affirmant que seul un Pays comme le Royaume-Uni a les épaules assez larges pour supporter l’industrie pétrolière de Mer du nord, puisque la Norvège démontre le contraire, mais il a raison en disant qu'une Écosse indépendante du reste de la Grande-Bretagne serait alors trop dépendante d’une unique source de revenu. Les coûts et les risques engendrés par le pétrole de Mer du nord ont été partagés par le pays entier. Les avantages devraient être partagés, aussi.
 
Her Majesty …et la gauche républicaine
 
L’aile gauche des indépendantistes prépare une offre afin de rompre définitivement avec le régime de monarchie parlementaire et dire Farewell (adieu) à la Reine.
 
 
 
Les adversaires de la monarchie croient qu’un vote pour l’indépendance leur donnera une occasion historique de changer l'Écosse en une république, en dépit de la promesse du SNP que la Reine sera maintenue dans son rôle de chef d'état. Cet engagement de maintenir la Reine comme chef d’Etat est condamné aujourd'hui par Colin Fox, membre du comité Yes Scotland ![1] et porte-parole national pour le Parti socialiste écossais.Dans l’hebdomadaire Scotland on Sunday, Fox argumente : « je suis sûr que le Parti socialiste écossais n'est pas le seul à voir une contradiction dans ce plan. La souveraineté constitutionnelle est réelle uniquement si les citoyens ont aussi le droit de choisir leur propre chef d'état ». Et de rajouter : « les privilèges héréditaires et le droit divin des monarques n’ont pas leur place dans les constitutions démocratiques digne de ce nom ».
Pour Fox, l’engagement du SNP ne peut pas être conciliable avec les principes démocratiques d'égalité, de citoyenneté et de souveraineté du peuple gens, et donc avec le projet indépendantiste dans son ensemble."Dans le camp du Oui, les écologistes écossais et une partie du centre-gauche porteur du projet « Common Weal » (Bonheur Commun en référence au Commonwealth) soutiennent le projet de République. En Juin 2014, le vice premier ministre écossais Nicola Sturgeon faisait publié le Scottish Independance Bill dans lequel il décrivait la plateforme constitutionnelle intérimaire qui servirait de fondation au Gouvernement d'une Écosse indépendante jusqu’à la date du 24 mars 2016, date à laquelle une nouvelle Constitution serait définitivement entérinée. Ce décret du Scottish Independance Bill sera présenté à Holyrood après le référendum de septembre, si le Oui l’emporte. Il sera accompagné d’une révision du Scotland Act qui permettrait au nouvel Etat indépendant d'agir jusqu’à la rédaction d’une nouvelle Constitution permanente soit produite. Le gouvernement d'Alex Salmond s’est engagé à la mise en place d’une convention afin de décider de la nouvelle Constitution ; les antimonarchistes pensent que la convention leur fournira l'occasion d'encadrer une constitution pour une Écosse où la Reine n’a plus aucun rôle à jouer. Patrick Harvie, membre écologiste au Parlement écossais et militant pour l'indépendance, relativise plus que Fox, en expliquant que même s’il poursuivrait le projet changement constitutionnel radical à long terme, il admet volontiers qu’il est difficile de convertir soudainement le SNP en Républicain.maintient la Reine comme chef d'état, et seulement après, selon Harvie, la convention constitutionnelle permettra d’envisager les alternatives. Robin Mc Alpine, membre du Centre-gauche et du Common weal Project rappelle que les fondements historiques du Centre Gauche ont toujours prôné l’avènement à long-terme d’une République mais qu’une période transitionnelle est envisageable à la condition que suive un débat national sur le choix du Chef d’Etat. S’il se dit relativement à l’aise avec la clause dans la Constitution intérimaire qui maintient la Reine comme Chef d’Etat, il l’est moins quant à la clause suivante qui mentionne qu’elle serait suivie sur le trône par ses « héritiers et successeurs "
 
La lointaine question de l’Ecosse indépendante en Europe
 
En février 2014, alors qu’il était président de la commission européen, Jose Manuel Barroso a lancé une polémique en annonçant qu’une Ecosse indépendante devrait faire une nouvelle demande d’adhésion à l'Union européenne, et qu'obtenir l'admission serait extrêmement difficile, voire impossible. L’intervention de l’ancien président de la Commission européenne, interrogé par la BBC, a passablement irrité les membres du Scottish National Party Parti national écossais (SNP). Certains, dont Nicola Sturgeon, vice premier ministre écossais, ou Angus Mc Neil, membre SNP au Parlement et Porte-parole du parti, reprochèrent à Barroso de vouloir interférer dans le débat national (Herald, 2014)




L'intervention de Barroso a remis en cause les bases mêmes de la stratégie du parti pour l’indépendance. En effet, depuis 1988, le SNP a misé sur une stratégie pour l’'Indépendance au sein de l’Europe.' En devenant un membre de l'Union européenne, l'Écosse bénéficierait d’un accès préférentiel aux marchés continentaux et d’un environnement politique stable. Ainsi, l'Europe serait à la fois le garant de la viabilité d'Écosse et de sa sécurité contre les risques d’isolement. De plus, l’intégration dans l’union serait une preuve de son autodétermination démocratique grâce à la coopération dans le cadre d’une plus grande union politique.

Back to 1975
Historiquement, le SNP n'a pas toujours pro-européen. En 1975, quand le Royaume-Uni organisa un référendum sur l’adhésion à ce qui était encore la Communauté Économique européenne (CEE) ou 'Marché Commun', le SNP faisait campagne en faveur du retrait. De même que quand le parti conservateur et la presse de droite étaient irrésistiblement pour l’union européenne, le SNP visait des objectifs opposé. Pendant que Margaret Thatcher voulait la Grande-Bretagne en Europe, des documents du SNP annonçaient que la Communauté européenne marquerait « la mort de notre identité en tant que nation » (Tarditi, 2010, pp. 11-12)[1]. 1975 est un point de référence utile, parce qu’il s’agit du premier référendum national en Grande-Bretagne, et il offre la seule occasion pour laquelle la population a été consulté sur une question constitutionnelle impliquant le Royaume-Uni dans son ensemble.

A cette occasion, la campagne en Écosse témoignait déjà d’une identité distincte. Au-delà de la seule question du Royaume-Uni au cœur de l’Union, d’autres questions faisaient surface, en particulier la question de la place de l’Ecosse en Europe, le futur politique et économique de l’Ecosse, la question de la dévolution (ou « devolution » en anglais).Ce premier débat montrant les premiers antagonismes et introduisaient tous les débats qui suivirent sur l’Indépendance. Quand le SNP a abordé la question européenne, presque la moitié des 11 membres du parlement étaient en faveur d’une Ecosse au sein de la Communauté européenne. En effet, ces derniers étaient notamment influencés par la présidence prospère de l’Irlande à la tête du Conseil européen ; D’autres membres étaient fortement hostiles, considérant la Communauté comme une organisation bureaucratique et antidémocratique, qui ne verrait l’Ecosse que comme « la Province d’une Province ». Le parti a donc trouvé un compromis ouvert à la possibilité que l'Écosse puisse poser sa candidature à l’adhésion comme un état indépendant, bénéficiant de ses propres commissaires et d’une représentation indépendante au sein des institutions européennes. Le mot d’ordre était d’agir sur le principe d’« aucune taxation sans représentation ».

Dans les années 1970, la pensée européenne du SNP a été façonnée plus par tactique que par réelle idéologie unioniste. Un signe que les choses ont beaucoup changé ces dernières années, parce que dans le courant des années 1970, la partie la plus pro-européenne du Royaume-Uni était indiscutablement l'Angleterre. Le soutien pour l’intégration européenne était considérablement inférieur en Écosse, au Pays de Galles et en Irlande du Nord.
Si le SNP cherchait la neutralité sur la question européenne, ce sont manifestement les plus hostiles qui menaient à l’époque la Campagne. Dans les années 1970, William Wolfe avait prévenu que la participation dans la Communauté plongerait l'Écosse dans un âge sombre de politique télécommandée à distance et de gouvernement antidémocratique (Scotsman du 22 mai 1975).
Donald Stewart qui avait mené le groupe parlementaire du SNP avait rappelé que la CEE 'représentait tout ce contre quoi le SNP avait combattu : centralisations, procédures antidémocratiques, politique du pouvoir et la disparition des différences culturelles (Scotsman, du 2 juin 1975). A l’époque, des avertissements étaient déjà émis au sujet du futur du pétrole écossais, avec des prédictions que Bruxelles s’accapareraient les richesses du Pétroles. De même, les règles de la compétition européenne empêcheraient l'Écosse d'utiliser ses ressources selon ces propres choix. L’Ecosse riche de son pétrole serait plus prospère hors de la CEE.Comme les résultats des premiers référendums ont été déclarés sur une base nationale et régionale, cela a largement rendu publique la perspective d'une fracture entre les parties composant du Royaume-Uni.
Un tel gap, sur une question d’une telle magnitude politique et économique soulèverait des questions sérieuses au sujet du futur du Royaume-Uni, en particulier parce que le Non écossais était balayé par le Oui anglais.A contrario, les Pro-Europe de l’époque considéraient d’une part que dans la période de crise des années 1970, sortir du Marché commun serait équivalent à « un suicide national » (Glasgow Herald du 24 janvier 1975). De même, d’autres arguments étaient qu’à l’époque de l’Union soviétique, il était tout de même préférable de joindre une communauté de pays démocratique.Les pro-Européens ont par la suite bénéficié d’une bonne publicité, notamment grâce à George Thompson, ancien député travailliste écossais de Dundee qui a été l’un des premiers Commissaires européens de Grande-Bretagne, avec une responsabilité particulière pour la politique régionale.

A l'exception de l'Irlande du Nord, l'Écosse a été considérée largement comme la partie la plus eurosceptique du Royaume-Uni. Cependant, la décision de 1975 de rester dans la CEE a fonctionné à l'avantage du SNP à moyen-terme. Dans la décennie après le référendum, le SNP a construit des relations fructueuses avec d'autres groupements nationaux ou régionalistes, devenant ainsi une sorte de porte-flambeau. Le SNP a donc revalorisé le Scottishness ou nationalisme écossais grâce au cadre européen, en favorisant des relations inter-régions à l’intérieure de l’Union européenne, par exemple avec le Pays basque, la Catalogne, etc.

Contrastes et Evolution entre les campagnes de 1975 et 2014
En 1975, comme en 2014, la place de l’Écosse dans l’Europe et son futur dans le Royaume-Uni sont des questions liées. Beaucoup de choses ont changé depuis 1975. Depuis, le SNP a évolué d’un parti majoritairement anti-européen à un parti qui refuse même la vie à l'extérieur de l'UE. L'idée même émise par Barroso selon laquelle l'Écosse devrait faire une nouvelle demande pour l’adhésion, en tant qu’état indépendant, apparaît presque comme 'absurde.'
Les deux campagnes du référendum de 1975 et de 2014 ont quelques similarités : dans les deux cas, ceux qui souhaitent rester dans une plus grande union politique - le Marché Commun ou le Royaume-Uni – ont une tendance à insister sur les risques, en prévenant des conséquences économiques et politiques de séparation. Le futur de la monnaie, l'impact sur OTAN, et le danger d'isolement dans la mondialisation sont des arguments que l’on retrouve dans les débats des deux référendums comme soulevant particulièrement des inquiétudes.

Mais les différences entre les deux campagnes sont plus frappantes que les similarités – et ce, à l'avantage des nationalistes.
La campagne de 1975 se concentrait sur des questions d’emploi, de niveau de vie, de sécurité nationale. Quand l'inflation tournait autour de 25%, quand la monnaie fluctuait d'une crise à l’autre, et quand il y avait des inquiétudes régulières sur la capacité de Grande-Bretagne de maintenir son niveau d’autosuffisance alimentaire ou de fournir de l’énergie ; la question clé pour les électeurs en 1975 n'était pas s’ils se sentaient plus écossais, britanniques ou même européens, mais leur avenir sans la sécurité des institutions européennes.En 2014, l'humeur politique est visiblement moins apocalyptique.
La récession qui a commencé en 2008 est souvent décrite comme la pire depuis les années 30, mais cela n'a pas produit les inquiétudes existentielles qui ont encadré le débat de 1975. A ce titre, la crise financière n'a pas déclenché les mêmes inquiétudes au sujet de la viabilité des institutions politiques de Grande-Bretagne. La sécurité et la viabilité de l'état sont prises pour une grande part comme allant de soi.
En 1975, la campagne du SNP pour le retrait d’une plus grande union politique a souffert d’une défaite lourde. Presque quarante années plus tard, la tendance est largement inversée et si l'Écosse vote pour l’indépendance, cela se fera avec la promesse d'un futur sûr dans le marché unique européen.
 
 
 
 


 
 

Alex Salmond vs. Alistair Darling, deux rounds
Comme tout évènement politique engageant le suffrage des citoyens, le referendum n’échappe pas à la sacrosainte messe médiatique du débat télévisuel.
Le 4 aout dernier se tenait au Conservatoire royale de Glasgow le débat télévisé entre Alex Salmond et Alistair Darling, le représentant de la Campagne Better together et député travailliste au Parlement écossais
Si le premier a rappelé que ce sont les mêmes partisans du contre qui étaient jusqu’à l’accession au pouvoir du SNP et qui ont permis les taxes aussi impopulaires que la fameuse Bedroom Tax,
 
Alistair Darling a rappelé aux citoyens écossais qu’en restant dans le Royaume-Uni, ils bénéficiaient des deux mondes…et que la question de l’indépendance portait sur l’avenir et non sur une question de patriotisme.
Le débat a tourné à l’avantage d’Alistair Darling parce que ce dernier a su mettre en difficulté sur des questions concrètes comme la monnaie, mais aussi sur des faits précis comme le vieillissement de la population plus rapide en Ecosse que dans le reste du Royaume-Uni. Il a aussi rappelé que l’Ecosse a depuis ces 22 dernières années a largement dépensé plus que ce que le Trésor pouvait permettre.
De même quand le first Ministre Salmond a indiqué qu’il garderait la livre sterling parce que le pound étaient autant écossais qu’anglais, Darling a ironisé en disant que c’était comme divorcer et garder le compte joint, et que c’était visiblement inconcevable.
 
Dans le second débat télévisé auquel nous avons pu assister, qui se tenait le 25 août en direct du Glasgow Kelvin Grove Museum, il semblerait que Alex Salmond se soit remis de ce que l’opinion considérait comme une mauvaise prestation lors du premier débat.
Le représentant de l’opposition a toutefois enjoint les écossais à ne pas miser toute leur mise sur les ressources pétrolières, parce qu’il s’agissait d’un pari risqué pour les générations à venir, rappelant qu’après l’indépendance le pétrole écossais serait soumis à la fluctuation des marchés de façon plus en plus forte.
Le first Ministre a rappelé le coût et le poids que représente la force nucléaire britannique installée près de Glasgow, dans la région du Clyde. Ce à quoi, Darling a répondu en rappelant les 8 000 emplois que pourvoit la gestion du trident nucléaire. Au cours du débat, Salmond a expliqué qu’il s’agissait d’une chance de reprendre la responsabilité des décisions, tout en rappelant les 18années de Thatchérisme, la fameuse Bedroom tax, la Poll tax, ou encore les guerres illégales, faisant mention de l’intervention du Royaume-Uni dans les conflits de ces dix dernières années. Et Darling lui a rappelé qu’il s’agissait d’une décision capitale, et qu’il n’y avait pas de retour en arrière possible. 
 
Ce que pensent les écossais ?
Le site What Scotland thinks?[1] compile les résultats de plusieurs sondages sur de plus ou moins longues périodes. Il donne une perspective du débat.
Do you think Scotland would be better or worse off if independent from the rest of the UK:
Pensez-vous que l’Ecosse ferait mieux ou moins bien si le pays était indépendant du reste du Royaume-Uni:
Les personnes interrogées sont peu confiantes quant au sort de l’Ecosse hors du Royaume-Uni :
32% en mai 2011,  31% en mai 2012, 36% en Aout 2014 pensent que l’Ecosse ferait mieux, contre respectivement 53%, 54%, 53% pensent le contraire.
 
Should Scotland be an independant country?
L’Ecosse devrait-il être un pays indépendant?
Les résultats des sondages réalisés entre février 2013 et aout 2014 sont un peu plus fluctuants mais dessinent la même tendance :
32% en février 2013, 26 %en Mai 2013 29% en aout 2013 ? 38% en février 2014, 42% en aout 2014 pensent que OUI contre respectivement 47% ; 65% ; 59% ; 47% ;  48% sont absolument contre l’idée d’indépendance. Il faut noter qu’à certaines périodes, l’écart se resserre. Par exemple, le plus écart recensé est 43% pour et 45% contre en juin de cette année. Néanmoins, en deux ans, le OUI à l’indépendance ne l’emporte jamais
 
 
Cependant, le tout dernier sondage donne finalement une légère avance au camp du YES, ce qui suscite une certaine fébrilité dans le camp jusque là confiant du NON à l'indépendance .
 
Have you definitely decided to vote that way or might you change your mind
Votre décision est-elle définitive ou peut-elle évoluer ?
76% était déjà sûr en septembre 2013 et 85 % en aout dernier.
 
Would you vote Yes or No, if you thought the UK would leave the EU in a few years’ time?
Voteriez-vous OUI ou NON, si vous pensez que le Royaume-Uni quitter l’Union européenne dans quelques années ?
La question de la sortie de l’UE est purement hypothétique, mais elle revient dans les débats nationaux des pays du Royaume-Uni. L’influence de ce futur débat sur le débat actuel n’est pas hors de propos. Pourtant, en juillet 2014 37% voteront pour l’indépendance contre 43% contre.
 
What are your views on the Monarchy ?
Quel est votre avis sur la monarchie?
En octobre 2013, 48% des écossais étaient favorables contre 32% contre.
 
Are you satisfied or dissatisfied with Alex Salmond as First Minister?
Etes-vous satisfait ou mécontent du premier Ministre écossais Alex Salmond?
En mai 2008, 53 étaient satisfaits contre 33% ; alors qu’en août 2014, 49% étaient satisfaits mais les mécontents gagnaient du terrain avec 43%
 
 
 
 
Ainsi le 18 septembre, se joue peut-être un évènement d'importance historique, qui changera non seulement le destin du Royaume-Uni, mais d'une manière ou d'une autre  le paysage européen.
 
 
Joël Ambroisine, de Glasgow, Scotland
 


[1] www.whatscotlandthinks.org


[1] Tarditi, V. (2010) 'The Scottish National Party's changing attitude towards the European Union', Sussex European Institute Working Paper

[1] www.esscotland.net est le comité pour l’indépendance de l’Ecosse
 

 
 

[1] CHARELL Marie, « L’Ecosse face aux défis de l’indépendance », Le Monde (25 novembre 2013), dernier accès le 14 janvier 2014, <http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/11/25/l-ecosse-face-aux-delicats-defis-de-l-independance_3519743_3234.html>.
[2] La formule Barnett qui est un mécanisme utilisé par le Trésor britannique afin d’ajuster le niveau des dépenses publiques allouées à l’Ecosse, au Pays de Galles et à l’Irlande du Nord, en référence aux dépenses en Angleterre, Pays de Galles et Angleterre, et Grande-Bretagne. Il tient compte de la démographie mais moins des besoins réelles des pays.
 


[1] www.scotland.gov.uk/Publications/1999/11/4174/File-1
[2] www.scotland.gov.uk/Resource/Doc/206218/0054797.pdf
[3]Achieving Our Potential: A Framework to tackle poverty and income inequality in Scotland”, 2008
[4] www.cosla.gov.uk
[5] Bennet N., 2014. Health on the agenda in Scottish Independence, in The Lancet, n°9915
[6] Dans les pays appliquant le système de Westminster, le shadow cabinet ou cabinet fantôme comprend les députés les plus importants du principal parti de l'opposition parlementaire, chacun chargé par le chef de l'opposition de surveiller et critiquer un ministre du gouvernement.


[1] Scotland’s Future, p. 154
[2] HM Government, What staying in the United Kingdom means for Scotland, www.gov.uk/youdecide2014


[1] Scotland’s Future, p. 75
[2] Scotland’s Future, p. 84